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brusques a été proposée, elle a captivé beaucoup d’esprits qui aiment le terrible ; on sima gin ait des commotions immenses, des déchiremens du globe, les océans se précipitant sur les continent et détruisant tout. Cela a paru grand. Mais bientôt on a reconnu que c’était très exagéré, et, obligé d’abandonner la géologie des cataclysmes, on s’est rejeté sur la paléontologie, imaginant des luttes violentes dans le monde animé ; on s’est représenté le Machairodus rugissant devant le Dinotherium, le Mégalosaurus aux prises avec l’Iguanodon, etc. En réalité ces combats ont été des exceptions ; il faut se figurer une grande nature où, comme de nos jours, tout était harmonie.

D’après cela, nous allons comprendre comment la multiplication des êtres n’a pas été entravée, et comment, après tant de siècles écoulés. la vie se répand encore de toutes parts, quelquefois triste, plus souvent joyeuse, toujours offrant le spectacle d’un épanouissement merveilleux.

La multiplication des êtres s’est produite successivement pendant le cours des âges géologiques. — Les géologues admettent que notre planète a eu d’abord une température élevée. Sans doute il y eut un temps où la chaleur était trop forte pour que des êtres organisés pussent vivre. Il est donc probable que l’apparition de la vie a eu lieu après celle du règne minéral. Il est cependant permis de penser que l’existence des organismes inférieurs remonte très loin dans l’histoire de la terre, car nous savons aujourd’hui que des algues supportent une haute température. Les eaux des geysers du parc de Yellowstone, qui atteignent 85°, renferment des algues en profusion. comme viennent de le montrer les curieux travaux de M. Weed. M. Lindsay, en Islande, a rencontré des conferves dans des eaux si chaudes qu’un œuf y était cuit en cinq minutes.

On n’a, il est vrai, trouvé encore dans les plus anciens terrains sédimentaires ni algues, ni microbes. Mais ces organismes ne se conservent à l’état fossile que dans des conditions exceptionnelles. Il a fallu tout le génie d’observation de M. Bernard Renault pour découvrir dans le Carbonifère et le Permien les microbes qu’il a dernièrement montrés à l’Académie et dont personne n’avait soupçonné la présence dans ces terrains sans cesse explorés par les industriels et les géologues.

Les Éozoon du Canada, qui ont fait tant de bruit dans le monde scientifique, sont maintenant regardes par plusieurs savans comme de fausses apparences d’êtres organisés : il est loin d’être démontré que ces contradicteurs soient dans le vrai. M. Cayeux vient de trouver dans l’Archéen de Bretagne des