entassement de résidus, les lignes des grandes cuves où se fera la cyanuration et d’où déborde une eau boueuse et grise, amenée par des canalisations de bois ; on n’entend que le bruit assourdissant des batteries de 50, 100, 150 pilons. Enfin le train s’écarte un peu vers le nord de la ligne des mines et entre en gare de Johannesburg.
La prodigieuse croissance de cette ville, qui vient à peine d’entrer dans sa dixième année, laisse bien loin en arrière les mushroom cities, les « villes-champignons » de l’Amérique et de l’Australie. Ce qu’il y a de plus frappant dans Johannesburg, c’est le caractère de solidité, de permanence de tous ses édifices ; ils ont été faits pour durer ; et on n’y voit presque plus aucune des misérables baraques de tôle ondulée qui, en 1887, composaient Ferreira’s Camp, comme on appelait alors ce qui devait être Johannesburg. C’est peut-être à l’absence de bois dans tous les pays environnans que cette ville doit d’avoir dépouillé si tôt le caractère temporaire qu’on retrouve encore dans des cités américaines trois ou quatre fois plus âgées. Une maison de bois est une habitation fort convenable, plus fraîche en été et plus chaude en hiver, disent les Américains, qu’une maison de pierre. Aussi ne se hâte-t-on pas de remplacer la première par la seconde. Mais une cahute en tôle ondulée, comme celles que j’ai habitées dans l’Australie de l’ouest, torride en été, glaciale par les nuits d’hiver, est le plus triste logis qu’on puisse imaginer et le moins approprié au climat de Johannesburg ; dès qu’on a pu être assuré que, grâce à la puissance des gisemens aurifères, son existence serait de longue durée, on a commencé à faire des constructions en pierre ou en briques : la plus grande partie de la ville proprement dite est fort bien bâtie aujourd’hui.
Au centre, s’étend la grande place du Marché, toute pleine chaque matin d’énormes chariots attelés de douze à dix-huit bœufs, dont les fermiers du voisinage se servent pour apporter leurs produits. Entre la place et la grande artère de Commissioner Street, ainsi que le long de cette rue, se trouvent les bâtimens où la plupart des compagnies minières et des grandes maisons financières ont leurs bureaux. Quelques-uns d’entre eux, surtout ceux des banques, ne seraient pas déplacés dans une grande ville européenne. C’est « entre les chaînes», dans une courte rue allant de la place du Marché à Commissioner Street, et interdite aux voitures par des chaînes tendues à chaque extrémité, qu’est l’endroit le plus animé de la ville ; la Bourse s’ouvre sur cette rue, et tous les flâneurs, tous les gens qui vont aux nouvelles s’y donnent rendez-vous ; toute la journée de nombreux groupes y stationnent. De l’autre côté de la place du Marché, Pritchard Street