d’avoir des serviteurs blancs et de retenir longtemps les noirs, à qui l’on peut rarement se lier. Le climat, sans être malsain, est assez fatigant. On s’explique donc que ceux qui ont réussi à gagner quelque argent au Transvaal aient bientôt le désir d’en sortir.
Il devrait être facile d’y faire, sinon une grande fortune, du moins d’importantes économies. L’ouvrier blanc qui sait un métier, charpentier, maçon, chef mineur, gagne de 20 à 30 francs par jour ; son logement et sa nourriture ne lui en coûtent que 5 à 6 ; les compagnies minières ont des installations fort confortables pour leurs employés. Malheureusement, trop peu savent résister aux tentations de la boisson et du jeu. Sous ce climat chaud, les Anglais se laissent entraîner encore plus facilement qu’en Europe à abuser des boissons alcooliques : rencontre-t-on dans la rue à Johannesburg une personne qu’on a vue à peine une ou deux fois : « Voulez-vous boire quelque chose ? » propose-t-il, et il faut le suivre dans un bar qui n’est jamais loin, prendre à ses frais du whiskey ou du gin arrosé d’eau de seltz, et lui rendre aussitôt la politesse, sous peine de passer pour un homme qui ne sait point vivre. Si au lieu d’être deux on est cinq, chacun devra payer successivement à boire aux quatre autres ; l’argent et la santé passent vite à ce régime. Quant au jeu, il y en a de deux sortes : le jeu à la bourse qui est un mal chronique ; le jeu aux courses qui est une fièvre revenant pendant trois ou quatre jours chaque trimestre. Les matins de courses, la Bourse est désertée ; on ne s’occupe plus des cours des mines, mais de la cote des chevaux ; on organise des poules gigantesques : pour les deux plus grandes, montées en vue du Summer Handicap, que je vis courir pendant mon séjour à Johannesburg, il avait été pris 64 800 billets d’une livre sterling ; le total s’élevait donc à 1 620 000 francs. Les organisateurs prélevaient une commission de 40 pour 100 ; tout en tenant compte des frais, le métier de bookmaker est, avec ceux d’hôtelier et de cabaretier, l’un des plus lucratifs qui soient à Johannesburg. Malgré ces deux vices, le jeu et l’abus de la boisson, la population est remarquablement respectueuse de la loi, et dans cette étrange société’ de gens de toute nation, au passé souvent très agité, il est juste de reconnaître que les crimes sont fort rares.