1881 à 1894, les transports de la première catégorie ont augmenté de 70 p. 100, ceux de la seconde, de 107 p. 100. Mais, tandis que, sur les voies navigables de la région du Nord, l’augmentation était, pour les marchandises pondéreuses, de 612 millions de tonnes kilométriques, et pour les autres marchandises de 179 millions seulement, sur les voies navigables du surplus du territoire, elle était de 458 millions de tonnes kilométriques seulement pour la première catégorie, et de 488 millions pour la seconde. Un voit dans quelle large mesure le trafic des réseaux garantis est atteint, en dehors des transports que la navigation revendique comme son bien propre.
Il l’est d’autant plus que le contrôle administratif, sous la pression de l’opinion publique, s’exerce généralement pour empêcher les chemins de fer de retenir, au moyen de réductions de tarifs, le trafic concurrencé. Par le fait même que la France importe surtout des marchandises de valeur moyenne, et exporte des produits de très grande valeur sous un petit poids, qui appartiennent toujours aux chemins de fer, les voies navigables sont très souvent des voies d’importation. On a dépensé 74 millions pour obtenir sur la Seine, entre Paris et Rouen, une augmentation de mouillage dont le premier et le principal effet a été d’abaisser sensiblement le prix du transport des vins d’Espagne et d’Italie sur Bercy, et des blés d’Amérique sur Corbeil. Lorsque les compagnies ont présenté des prix réduits, pour retenir ce trafic, on les a accusées d’établir des tarifs de pénétration. Lors même que des enquêtes répétées avaient montré que les prix fermes du chemin de fer restaient supérieurs à ceux de la voie concurrente, dans une mesure suffisante pour compenser largement ses avantages de rapidité et de régularité, on demandait instamment la suppression de ces prix. La dénonciation des tarifs internationaux destinés à retenir les transports attirés par la Seine, a fait perdre à nos compagnies d’Orléans et du Midi tout le trafic des vins d’Espagne, qui s’est concentré sur Rouen ; elle a amené, à titre de réciprocité, la dénonciation des tarifs grâce auxquels nous exportions en Espagne des houilles qui y ont été remplacées par des houilles anglaises. C’est ainsi que les charges, considérables par elles-mêmes, assumées par l’État pour l’amélioration de la Seine, ont contribué à aggraver les garanties, non seulement de la compagnie de l’Ouest, mais de celles d’Orléans et du Midi.
Même quand la question de protection n’est pas en jeu, toutes les fois que le chemin de fer cherche, par une diminution de tarifs, à retenir un trafic concurrencé, les entrepreneurs de transports par eau traitent de faveurs arbitraires les réductions consenties