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Sur ce lit même où votre fatigue retombe,
Et vous ne mariez que la tombe à la tombe.

Les jeunes gens étaient partis. Le Saint parlait.


II


Et voici qu’il reprit : « Hors des siècles, il est,
Dans le jour d’où sans fin le méchant se recule
Et qui n’a pas d’aurore et pas de crépuscule,
D’autres noces de vie ardente et de clarté,
Dont la douceur et dont l’amour sont chasteté,
Et qui n’ont que l’azur du ciel pour draperie.
La terre ? fuis la terre, O ma fille ! Aime et prie.
Fuis la terre odieuse et vile, où constamment
Tout nous éprouve, tout nous déçoit, tout nous ment
Car c’est l’Esprit du mal, pour que tu te perdisses,
Qui t’égarait avec ses perfides blandices
En ces enchantement dont je te délivrai,
Et je ne t’ai pas dit un mot qui ne fût vrai !
Fuis la terre, O ma fille aimée, et sois bénie.
Ses fleurs ont nom péché, manquement, félonie.
Ses fruits sont de poussière et de cendre. Mais vois !
Au milieu des concerts d’instrumens et de voix
Et salué par les harpes et les cantiques,
Il vient vers toi, l’Époux, dans les parvis mystiques
D’où montent les filets d’azur des encensoirs.
Admiré du soleil et des astres des soirs,
Il vient vers toi Celui qui rendit témoignage
De son père, le fils d’ineffable lignage,
Sur qui rien ne prévaut, dont le règne est sans fin,
Que servent, inclinés, l’ange et le séraphin,
Et dont le sang versé ruisselle en nos calices !
O noces de victoire et de gloire ! ô délices !
Qu’il te donne l’anneau de sa foi ! que, liés
Par lui-même à ton col, s’épandent ses colliers !
Voici ton manteau d’or tramé. Blanche épousée,
Qu’il ait ton amour tout entier et ta pensée
Tout entière de qui le mal fut écarté,
Et ton âme, ô ma fille, et ta virginité !
Parce que c’est l’Époux, celui-là, qui, ravie
En son cœur, te peut seul dire : Je suis la Vie,
Et près de qui le roi le plus grand est petit. »