Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps primaires et secondaires, elle a sans doute été plus parfaite à partir de 1ère tertiaire, car alors a eu lieu le règne des oiseaux qui passent à juste titre pour les animaux dont la vue est la plus perçante, et celui des mammifères, chez lesquels les yeux ont moins de portée, mais possèdent le merveilleux privilège de laisser lire les sentimens de crainte ou de plaisir, de haine ou d’amour. Les phoques, sur les rivages des mers, les cerfs dans nos forêts, ont un regard si doux, au moment où les chasseurs vont leur donner le coup mortel, que ceux-ci éprouvent parfois une sorte de remords à tuer ces inoffensives créatures. On ne peut avoir possédé un chien sans avoir aimé l’expression de ses yeux. J’ai connu dans mon enfance un chien qui était borgne ; le seul œil qui lui restât était si pénétrant, que son souvenir me suit après bien des années écoulées. Et que dirons-nous donc des yeux des créatures humaines ? Il en est de si beaux, de si tendres qu’ils allument des passions ardentes et inspirent des dévouemens sublimes. Ainsi le sens de la vue, qui est le plus indispensable au complet épanouissement de nos facultés, s’est perfectionné depuis les anciens temps géologiques jusqu’à nos jours.

Histoire de l’ouïe. — De même que les formes et les couleurs, les chants de la nature ont progressé pendant le cours des âges. Lorsque nous entendons dans le lointain une troupe de chanteurs, les sons arrivent si vagues à nos oreilles que tout d’abord nous pouvons nous demander si nous rêvons ou si vraiment nous distinguons quelque chose. A mesure que la troupe des chanteurs se rapproche, nous entendons mieux, et enfin, lorsqu’elle est près de nous, la musique paraît dans tout son éclat. Ainsi en a-t-il été des chants de la nature, entendus à travers les âges du monde ; peu perceptibles à leur début, ils ont progressé et ils ont fini par acquérir des sonorités incomparables.

Dans les jours cambrions et siluriens, la terre était silencieuse. On peut croire que des sons faibles ont commencé à l’époque dévonienne ; car au Canada un terrain de cette époque a fourni à M. Dawson l’aile d’un insecte, le Xenoneura, dont la base avait des stries qui, suivant l’habile entomologiste M. Scudder, rappelleraient l’appareil stridulant des cri-cri actuels : Cette structure, dit M. Dawson, si, elle a été bien interprétée par M. Scudder, nous fait connaître les bruits du monde dévonien ; elle apporte à notre imagination le chant cadencé et le murmure (trill and hum) de la vie des insectes qui animaient les solitudes des étranges forêts d’autrefois.

J’ai rappelé que les campagnes houillères manquaient de