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des mulots aux vipères, mais qu’elles répugnent à manger la souris domestique. Cependant M. Sauvage nous dit : Le sens du goût paraît être fort obtus chez tous les reptiles, la langue étant surtout un organe de tact ou de préhension des alimens ; cette langue est le plus souvent mince, sèche, recouverte de squames.

Les mammifères, qui ont eu leur règne plus récemment que les reptiles, ont le goût plus délicat. Les chiens, les chats montrent des préférences pour leur nourriture ; nous les voyons journellement laisser un aliment que nous leur avons donné pour en prendre un autre. Dans mes voyages en Orient, lorsqu’on plantait ma tente près d’un ruisseau, et qu’on laissait mes chevaux se désaltérer librement, je m’étonnais de voir avec quel soin ils choisissaient leur eau, changeant plusieurs fois de place jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé la boisson la plus parfaite.

Quant à l’homme, la finesse de son goût est telle qu’il distingue les moindres nuances dans la saveur des alimens ; le goût, aussi bien que la vue, l’ouïe, l’odorat, devient pour lui une source de voluptés. Quoique la gourmandise soit regardée par quelques moralistes comme un défaut, il faut convenir qu’elle prouve la finesse de notre sens du goût et constitue une différence avec les animaux.

Histoire du toucher. — Le sens du toucher s’est manifesté dans tous les temps, depuis le jour où la vie a paru, car les animaux, se distinguant des végétaux parce [qu’ils ont une activité propre, ont nécessairement la faculté de toucher. Mais, puisque les premiers êtres ont eu une activité moins grande que ceux des temps actuels, ils ont dû aussi avoir le sens du toucher moins développé.

Il y avait dans les âges anciens de nombreux polypes, sans doute munis de tentacules comme ceux de notre époque ; chacun a remarqué la sensibilité des tentacules des anémones de mer.

Les crinoïdes avaient de grands bras garnis de pinnules, employés, ainsi que de nos jours, pour palper plutôt que pour saisir.

Les brachiopodes, beaucoup de mollusques et de crustacés ont le sens du toucher affaibli ou même annihilé dans la plus grande partie de la surface du corps par leur coquille ou leur carapace. Mais ils sont munis d’organes de tact : les brachiopodes ont leurs bras ciliés, les bryozoaires leurs lophophores, les lamellibranches leurs palpes labiaux, les gastéropodes et les céphalopodes leurs tentacules ou leurs bras, les articulés leurs antennes. Il en était sans doute de même dans les temps géologiques.

J’ignore si les premiers poissons osseux ont eu des organes