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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/199

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avec lesquels l’oiseau et le mammifère gardent leur famille. Livingstone fait la peinture suivante d’un éléphant jouant avec son petit : Un éléphant s’éventait avec ses deux grandes oreilles ; un éléphanteau se roulait joyeusement dans la vase, il agitait sa trompe suivant la mode éléphantine. La mère et lui se roulaient dans une fosse remplie de vase où ils se barbouillaient de fange, la mère remuait la queue et les oreilles pour exprimer sa joie.

En dehors de l’amour sexuel et de l’amour maternel, les animaux témoignent des sentimens affectifs. Ces sentimens ont sans doute été peu manifestes dans les époques où ont régné les invertébrés, les poissons et même les reptiles : Les reptiles, a dit M. Sauvage, n’engagent de relations amicales ni avec les autres membres de leur classe, ni surtout avec d’autres animaux… Tant que la passion sensorielle n’est pas réveillée, chacun d’eux ne songe qu’à lui-même… jamais collectivité ne vient en aide à l’individu.

Je ne sais quels ont été, à l’époque tertiaire, les sentimens des abeilles et des fourmis qui vivaient déjà en société, des Paloplotherium, des Cainotherium, des Prodremotherium, des Hipparion, des antilopes, réunis en vastes bandes. Mais il est permis d’affirmer que plusieurs des mammifères actuels témoignent énergiquement leurs sentimens d’amour ou de haine.

L’attachement des chevaux arabes pour leurs maîtres est connu de tous les voyageurs en Orient. Quand vient le soir, ils se renversent complètement sur le sol, leur ventre sert d’oreiller aux femmes et aux enfans couchés entre leurs jambes ; jamais ces bonnes créatures ne bougent. Chacun sait que des lions prennent en affection des chiens ou des chats. Les chiens sont des amis incomparables ; souvent ils refusent toute nourriture quand ceux qu’ils aiment ne sont pas là ; on en a vu mourir sur la tombe de leur maître. Sans doute l’homme a exercé son influence sur les sentimens des animaux ; mais ces sentimens il ne les a pas créés, il les a trouvés tout formés, il n’en a fait qu’augmenter l’intensité. Lorsque l’histoire naturelle sera plus répandue, nous aimerons davantage les botes charmantes qui nous entourent ; nous comprendrons que c’est un crime envers l’Auteur de la nature de maltraiter des êtres auxquels il a donné des sentimens affectifs.

Quant aux hommes, quelques-uns ne savent pas aimer ; ce sont des types incomplets. Les hommes dignes de leur nom aiment si fort leurs parens, leurs amis, leur patrie, leur Dieu qu’ils s’exposent pour eux à la mort. Ils ne sont point portés seulement vers ce qui leur a donné des sensations physiques. Leurs passions les plus ardentes sont celles qui embrasent les urnes et l’Etre