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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/234

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



28 février.


Nous annoncions il y a quinze jours que, dans son premier heurt contre le Sénat, le ministère de M. Bourgeois avait reçu des blessures incurables : les événemens ont justifié ces prévisions. Le ministère, à la vérité, n’est pas encore mort, mais il n’en vaut guère mieux, et, dès maintenant, il est réduit à la plus complète incapacité législative. On peut hardiment le mettre au défi de réaliser les réformes, grandes ou petites, qu’il a si bruyamment annoncées au pays. Il n’aura duré quelques jours de plus que pour mieux accentuer la déception qu’il laissera à ses amis. M. Bourgeois n’oserait plus aujourd’hui rééditer son manifeste ministériel, ni même son discours de Lyon. On ne le prendrait plus au sérieux s’il répétait avec l’accent d’autrefois qu’il est au pouvoir pour agir et non pas pour vivre. Agir ? Comment pourrait-il le faire ? Il a si malencontreusement soulevé un conflit avec le Sénat, et, après l’avoir soulevé, il l’a aggravé à ce point que le mal est sans remède. Pas une seule des lois importantes que le ministère a mises dans son programme n’a désormais la moindre chance d’être votée au Luxembourg. C’en était assez déjà pour frapper de stérilité le cabinet radical ; mais il pouvait garder l’espoir de prolonger son existence devant la Chambre, et de trouver au Palais-Bourbon les forces nécessaires pour entretenir le conflit. S’il a eu cette illusion, il s’est trompé. Sa majorité, depuis quinze jours, a été sans cesse en décroissant, et elle a subitement disparu dans les bureaux lorsqu’il s’est agi d’élire la Commission du budget. Jamais budget n’avait encore reçu un pareil accueil : la Commission y est défavorable à la presque unanimité. Trois ou quatre membres sur trente-trois acceptent le principe de l’impôt sur le revenu, mais il n’en est pas un seul qui soit intégralement favorable à l’application particulière que M. Doumer en a faite. La journée du 25 février, celle où la Commission du budget a été nommée, a consacré l’écrasement du projet ministériel. Les radicaux et les socialistes essaient de reprendre courage en assurant que les votes rendus en séance publique seront tout différens de ceux qui se sont produits dans le mystère des bureaux. Là, en effet, les députés votent suivant leur conscience : en séance publique, lorsqu’ils mettent