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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/270

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hospitalier dans la personne du commandant du fort et un marabout arabe à qui j’ai fait présent d’un canif ; il m’a donné sa bénédiction. Je suis revenu bien à contre-cœur de ce beau pays, mais on m’a nommé président d’une commission pour réformer l’administration de la Bibliothèque Impériale, et comme ce n’est pas une chose facile ni agréable, j’ai cru qu’il était impossible de refuser. J’ai passé aujourd’hui sept heures dans l’exercice de mes fonctions qui ont beaucoup de rapport avec celles que remplit Hercule auprès d’Augias. Je regrette bien de n’avoir pas les épaules de ce héros.

Il est impossible, madame, qu’admirant le courage comme vous faites, vous n’ayez pas été frappée de celui de l’Impératrice, qui ne pensait qu’aux blessés, et qui disait : « Ne vous occupez pas de moi, c’est mon métier. » — Et à l’Empereur qui lui donnait le bras dans l’escalier. « Allons doucement ; montrons que nous n’avons pas peur. » N’est-il pas beau de pouvoir dire cela avec une robe toute mouchetée de sang et un petit morceau de fer dans la paupière ? — Je me réjouis que votre église soit adoptée par le préfet. J’en ai parlé au cardinal Morlot avant mon départ. J’ai reçu des nouvelles de M. Ch… Il est à Baltimore. Edouard était à Alexandrie à la fin de novembre. M. Ch… me dit qu’il n’a rien perdu, attendu qu’il ne fait pas d’affaires et que les fermiers le paient comme par le passé. Il me paraît fort ennuyé de son pays, mais déterminé à y rester jusqu’à ce qu’il ait établi sa fille. Je lui souhaite un gendre honnête… Grand problème à résoudre. Adieu, madame, veuillez excuser ce griffonnage et agréer l’expression de tous mes hommages respectueux. J’y joindrais mes vœux pour la nouvelle année si elle n’était pas si avancée. Elle m’a surpris, car janvier à Cannes me faisait croire que jetais en juin. Je n’ai pas encore la grippe, mais patience.


Mercredi soir.

Madame,

Je pensais à vous écrire quand j’ai reçu votre lettre. En effet, il y a longtemps que je n’avais eu de vos nouvelles, et je craignais que vous ne fussiez retenue à la campagne par votre malade. Vous me croyez apparemment la bosse de la destruction, puisque vous m’accusez de vouloir porter la hache dans la Bibliothèque Impériale. Si vous connaissiez cet établissement, vous changeriez d’opinion sans doute. Pour ma justification, je vous dirai d’abord que j’ai stipulé qu’aucune destitution ne suivrait mon rapport ;