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nouvelles de nos amis d’Amérique, qui sont arrivés à bon port malgré une traversée très longue et très agitée ; mais cela veut dire qu’ils ont été deux ou trois jours de plus en mer qu’on ne l’est à présent, c’est-à-dire un mois de moins qu’on n’était il y a vingt ans. Je pense vous avoir donné aussi des nouvelles de votre Samuel ou de vos Samuels. Il y en a un tout prêt, l’autre ne le sera qu’à mon retour. Quand reviendrai-je ? Je ne le sais trop, mais probablement pas avant le mois de février. Vous serez alors sans doute à Paris. Je viens de voir le baron de Meyendorff, chambellan de l’Impératrice, qui me parait un homme fort aimable. Il y a quelque chose d’oriental dans les Russes qui me plaît, et on a tort de dire qu’il ne faut pas les gratter. Celui-ci a beaucoup voyagé et a des idées à lui, ce qui est chose rare chez ses compatriotes. Mais je crains que ce qui a l’air d’idées à Nice n’en soit pas à Paris. Comme on devient bête quand on s’éloigne de ce tourbillon de Paris, vous vous en apercevez trop. Adieu, madame, veuillez me conserver une petite place dans vos souvenirs et agréez l’expression de mes très respectueux hommages.

PROSPER MERIMEE.


Si vous aviez la bonne charité de m’écrire, je serai pour une huitaine de jours à Cannes (Var), et en revenant, je m’arrêterai à Marseille.


Paris, 18 février 1857.

Madame,

Me voici enfin de retour à Paris. Il a fallu quitter mon beau soleil et mes montagnes neigeuses. Heureusement je trouve le printemps ici, et, ce qui me fait autant de plaisir, une lettre de vous. Vous saurez que très irrésolu, selon mon ordinaire, et vivant comme l’oiseau sur la branche, je n’avais pas voulu qu’on m’envoyât mes lettres adressées à Paris, et je m’imaginais vous avoir écrit de Nice que c’était à Cannes qu’il fallait m’écrire. Ne recevant pas de vos nouvelles je m’imaginais être tombé dans votre disgrâce, car la lettre dont vous me parlez (adressée à Marseille) ne m’est point parvenue. J’ai cependant fait une visite à la poste en passant par là et donné mon adresse à Paris. Je suis charmé de mon excursion, j’avais cinq maladies mortelles et il me semble que je n’en ai plus que quatre. Un rhumatisme à l’épaule qui m’ennuyait beaucoup s’est dissipé au grand air, je crois. J’ai gagné encore de voir plus clair, et l’autre jour je me suis surpris écrivant sans lunettes. Le lendemain de mon arrivée, j’ai repris le