peu scrupuleux diplomate, s’installa à Kéren et chez les Bogos et fit la sourde oreille quand il s’agit d’aller secourir les garnisons égyptiennes que cernaient les derviches. Il fallut de nouvelles sollicitations et la promesse de 10 000 fusils et d’une forte somme pour le décider à délivrer Géra et Galabat. Il laissa d’ailleurs Kassala à son triste sort. Gordon restait toujours enfermé dans Khartoum.
Un grand mouvement d’opinion se manifesta alors en Italie en faveur d’une alliance avec l’Angleterre. Une expédition anglaise, devant partir des bords du Nil et du rivage de la Mer-Rouge, s’organisait pour porter secours à Gordon. Pourquoi les troupes italiennes n’iraient-elles pas se joindre aux troupes anglaises et coopérer à la délivrance du héros ? Pourquoi ne pas saisir au Soudan l’occasion d’intervention qu’on avait eu le tort de dédaigner sur le Nil ? En vain quelques hommes prudens firent-ils ressortir la pénurie des finances italiennes ; le. côté plus utile de la colonisation à l’intérieur et notamment en Sardaigne ; le caractère des populations arabes et abyssines, aussi sauvages qu’hostiles. avec lesquelles on allait se trouver en contact. Leurs voix ne furent pas écoutées. Pour justifier la coopération des troupes italiennes au Soudan, toute une série de considérations sentimentales furent invoquées. L’Italie, disait-on, devait affirmer sa situation de grande puissance. Elle devait accepter une mission dont le but était à la fois chevaleresque et utile. En allant donner main-forte aux troupes de Gordon serrées de trop près par les hordes du Mahdi, elle se faisait le champion de la civilisation et de l’humanité. Ce concours apporté à la plus grande puissance maritime du globe devait lui procurer honneur, gloire, profit. Dans ce langage imagé qui caractérise l’éloquence d’au-delà les monts, une voix autorisée s’éleva dans le Parlement déclarant que l’heure des « hautes hardiesses » allait s’ouvrir. On s’écria même que l’on allait, avec l’appui de l’Angleterre, « pêcher dans les eaux de la Mer-Rouge les clefs de la Méditerranée » !
Le gouvernement italien donna satisfaction à cette manifestation de l’opinion. Le 5 février 1885, l’amiral Caïmi débarquait à Massaouah et annonçait aux habitans « que le gouvernement italien, ami de l’Angleterre, de la Turquie et de l’Egypte, lui avait donné l’ordre de prendre possession de la ville. » Une garnison égyptienne occupait la place ; on la toléra quelques mois, puis le 22 novembre 1885, le gouverneur égyptien fut prévenu par les autorités militaires italiennes d’avoir à se retirer avec ses troupes. Toute résistance était impossible et le gouverneur dut s’exécuter. La ville de Massaouah avait été bien choisie comme base