Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un second vestibule en bas conduit à la capelletta. Un élève de Perugino, Giovanni di Pietro, dit lo Spagna, a peint aussi bien la grande salle des Muses que trois des lunettes de la petite chapelle, — Dieu le Père bénissant le monde, une Annonciation et une Visitation ; — la quatrième lunette, au-dessus de l’entrée et en face de l’autel, devait avoir pour sujet le Baptême du Christ, et c’est ce baptême que le cardinal de Pavie avait désiré voir exécuté par Buonarroti. Le cardinal faisait honneur de toute la construction à son auguste maître : le nom de Jules II s’étale au-dessus de chacune des fenêtres extérieures qui donnent sur la cour ; seule l’entrée de la chapelle porte l’inscription : F. card. Papiens. Julii II Alumnus. — Comparée aux autres villas célèbres de Rome, à celle notamment que le fameux banquier Agostino Chigi érigeait vers la même époque dans le Transtevere (la Far-nesina), le « grand édifice » d’Alidosi a l’aspect bien modeste, et témoigne beaucoup plus des sentimens reconnaissans du fondateur que d’un goût excessif pour la magnificence et le faste. La splendeur et le renom de la Magliana ne datent que du règne suivant, alors que Léon X en fit son séjour de prédilection et le point central de ses « douces chasses », comme il les appelait (dulces venationes) et qui s’étendaient de là jusqu’à Ostie, Palo et Cervetri. Il aimait à passer des mois entiers de l’année dans sa Muette aux bords du Tibre, au milieu de ses chasseurs, de ses musiciens, de ses poètes et de ses bouffons ; et sur ses livres des comptes qui sont parvenus jusqu’à nous, on trouve mainte indication des dépenses faites pour les aqueducs, écuries, garennes, chenils, volières et fauconneries de la Magliana. Il ne reste toutefois aucun vestige de ces travaux médicéens ; la place qui a retenti jadis des hallali, des concerts et des banquets du pontife Luculle, est aujourd’hui un des points les plus déserts et les plus désolés de la campagna[1].

Un autre édifice encore, et à Rome même, dans la cité Léonine, garde, lui aussi, le souvenir d’Alidosi, bien qu’il ne soit

  1. Gruner et Platner (I freschi della Cappella Magliana, Londres, 1847) ont encore vu les peintures de la chapelle sur place et en font le mieux connaître la disposition. Depuis lors, toutes les fresques de la Magliana ont été dispersées. Celles de la salle des Muses (avec l’Apollon jouant du violon, comme dans le Parnasse de Raphaël) sont maintenant dans la galerie du Capitole (salle I, n° 1-10). On les a transportées sur toile et déplorablement retouchées. La lunette du Dieu le père bénissant le monde de la chapelle, a été acquise pour le Louvre. A la place du Baptême du Christ, qu’avait désiré le cardinal de Pavie et qui n’a jamais été exécuté, on voyait autrefois un Martyre de sainte Félicité, que nous ne connaissons plus que par une gravure de Marc Antoine avec la souscription : Raphaël Urbin. Je crois, en effet, et contrairement à M. Dollmayr (Raphaël’s Werkstatt, Vienne, 1895, p. 106-108), que le Dieu bénissant le monde (du Louvre) et le Martyre de sainte Félicité ont été peints d’après des dessins de Raphaël, et cela après la mort d’Alidosi, probablement sur la commande de Jules II. Je reviendrai sur le sujet dans la suite.