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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/57

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rapport du prix initial, de l’amortissement, des frais qu’entraîne l’exploitation et surtout la vitesse. Cette vitesse, le voyageur ne la paie nulle part ce qu’elle coûte. Il profite de la concurrence que se font les grandes marines entre elles. Pour les trajets où le service des postes oblige les bateaux subventionnés à multiplier les escales, il se trouve que le placide porteur des marchandises, parti en même temps que le fringant courrier des dépêches, arrive presque aussi vite que lui au dernier terme du parcours où il s’est rendu directement ; comme un passant, qui chemine lentement mais sans relâche, finit par rattraper le marcheur pressé qui s’arrête devant les boutiques.

Sur la ligne d’Europe aux Etats-Unis, qui ne comporte ni stations ni crochets, une véritable course est engagée depuis vingt ans entre les pavillons français, anglais, allemands, auxquels s’est venu joindre en dernier lieu le pavillon américain. C’était à qui gagnerait, d’abord un jour, maintenant une heure. Les Transatlantiques avaient tenu la corde jusqu’en 1877 ; leur champion, le Pereire, filait ses vingt-cinq kilomètres à l’heure. Comment une pareille marche n’eût-elle pas semblé admirable ? Jamais l’humanité, dans ses annales, n’avait rien vu d’équivalent. Les Egyptiens, suivant Diodore de Sicile, faisaient dans l’antiquité 7 kilomètres et demi. Les « galères subtiles », dont notre vieille marine était si fière, ces coques mal assises sur l’eau, de faible capacité et qui, pour se mouvoir, demandaient un équipage énorme, avaient une allure peu supérieure à 9 kilomètres. Les caravelles de Christophe Colomb, dont la plus longue était sept fois plus courte qu’un grand paquebot actuel, n’avançaient que de 14 kilomètres par les meilleurs vents. Quant aux premiers vapeurs, livrés à la seule énergie de leur chaudière, ils n’excédaient pas la moitié de ce chiffre.

Laisser derrière son hélice 6 000 kilomètres en 9 jours et demi, sans rien perdre du confortable de l’existence, eût paru bien doux aux voyageurs d’il y a soixante ans, qu’un voilier indécis ballottait un mois, quelquefois deux, du Havre à New-York, avant de les déposer moulus, désemparés, sur l’autre rive. Les compagnies anglaises Inman, White Star, Guion, se dépassant à qui mieux mieux, arrivent, de 1878 à 1881, à 28, 29 et 30 kilomètres. Les Transatlantiques, se voyant distancés, prennent en 1883 l’engagement d’aller à 32 kilomètres avec la Normandie, à 35 avec la Gascogne. Ces bâtimens, aussitôt construits, étaient serrés de près par l’Etruria. des Cunard, puis par de nouveaux venus dans la lice, les steamers allemands de la compagnie Hamburg-Amerika. À peine flottaient-ils depuis quelques années que déjà ils