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ne peut plus compter sur la stabilité ou tout au-moins sur la certitude des prix dont il a besoin et qui se trouve, par suite, réduit à des opérations aléatoires de spéculation plutôt que d’échange ; elle constitue en outre une véritable prime à l’exportation poulies marchandises des pays à métal blanc et une barrière presque infranchissable pour les marchandises des-pays à étalon d’or. Cela est vrai pour les produits de l’industrie comme pour ceux de l’agriculture, et il n’y a qu’une voix sur ce point parmi les agens européens en extrême Orient, nous n’aurions que l’embarras du choix si nous avions assez de place pour les citer[1].

« La dépréciation de l’argent est à la fois une source de bien-être pour les Orientaux et de malaise pour les Européens, dit M. de Brandt ; c’est une complication et une menace, un danger qui va s’aggravant. » Et en effet, à mesure que les distances disparaissent et que les mondes les plus fermés les uns aux autres entrent en relations, ils cessent, par une anomalie vraiment déconcertante, d’avoir entre eux le lien qui leur est bien plus indispensable qu’une langue commune, ils cessent d’avoir entre eux, pour estimer leurs marchandises, une même mesure d’échange ; bien plus, deux mesures distinctes, rivales, n’ayant entre elles aucun rapport, se disputent la suprématie, et en attendant de savoir à qui appartiendra la victoire bien incertaine, c’est l’Europe qui supporte seule toutes les charges de la lutte, avec les États-Unis qui d’un jour à l’autre peuvent faire défection et passer du côté des pays d’argent.

L’or, heureusement, devient moins rare et va baisser, disent ses partisans. Alors, répondent leurs adversaires, le prix des marchandises européennes s’élèvera et les marchandises exotiques ne seront pas moins favorisées par cet avantage.

En attendant, l’écart subsiste, et notre agriculture en souffre profondément, il n’est que trop facile de le comprendre.


II

Laissons maintenant l’agriculture, qui paraissait seule menacée. L’avenir est à l’industrie, disait-on ; l’agriculture en Europe ne compte plus, et de même aux Etats-Unis, où cette thèse a été brillamment soutenue : l’homme prend sa revanche sur la nature ; il était l’esclave d’un ciel capricieux ; abondance ou disette de pluie au printemps, gelées tardives, grêle, ou quelque maladie nouvelle, phylloxéra, oïdium, ou bien le vulgaire ver blanc, ou encore une épidémie, une inondation, pouvaient réduire à néant

  1. V. les rapports de M. Hunt, de M. Troup, de M. J. Hannen, de M. Jamieson, de M. de Brandt, de M. Klobukowski, de M. Dubail, etc.