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comprendre qu’il faut à tout prix aider notre production nationale à se soutenir pour que chacun de nous puisse continuer à vivre tant bien que mal, sinon comme auparavant.

Le Japon, tout en s’attaquant à la fabrication et à la vente des grands produits de consommation, ne dédaigne pas non plus les petits. Il apporte, au détriment des États-Unis, de la Suisse, de l’Allemagne et de la France, des ravages dans le commerce des horloges, des pendules, et même des montres. « Une transformation complète est à la veille de s’opérer dans le commerce de l’horlogerie au Japon. Dans le courant de 1893, une compagnie américaine s’est formée pour établira Yokohama une grande fabrique de pendules et de montres, avec un matériel perfectionné acheté aux États-Unis et tout un personnel américain… Des capitalistes japonais sont alors entrés en négociations avec la compagnie… et il est probable que l’on verra cette année l’entreprise projetée passer aux mains des Japonais… »

Et c’est ainsi qu’on voit baisser, puis disparaître, par l’effort des principaux intéressés eux-mêmes, les importations les plus florissantes d’Europe et d’Amérique au Japon, et le prix des pendules avili descendre jusqu’à trois francs ! Nous verrons bientôt, jusqu’au fond même de nos campagnes, ces pendules prendre la place des nôtres qui resteront dans nos magasins remplis de marchandises, vides d’acheteurs et d’ouvriers.

La fabrication des allumettes japonaises a pris un développement extraordinaire ; depuis dix ans, elle a décuplé. D’un bon marché vraiment inattendu, les allumettes japonaises sont mauvaises, — plus mauvaises qu’en France ? je n’en sais rien, — mais elles sont rangées dans des boîtes qui imitent à s’y méprendre celles d’Europe, et elles se vendent par millions de grosses, trouvant tant en Extrême-Orient, en Australie, aux États-Unis qu’en Autriche « un immense débouché ». Elles se vendent moins d’un centime la boîte, deux boîtes presque pour un centime, 90 centimes la grosse de 144 boîtes.

Et les parapluies ! Mais qui donc achètera des parapluies japonais ? personne en Europe, pense-t-on, si ce n’est pour décorer un atelier, une salle de bal ou un magasin. C’est une erreur, car les Japonais fabriquent des parapluies européens, et dans ces mêmes conditions fantastiques que les pendules et les allumettes. Ils en pénètrent l’Extrême-Orient tout entier. Les parapluies, dans l’exposition de Kioto, valent une mention spéciale : on 1883, le Japon en exportait déjà 75 745 ; dix ans plus tard seulement, en 1893, ce chiffre s’élève à 1 531 828 ; il atteint aujourd’hui et dépasse 2 000 000. Le parapluie européen du Japon fait fureur jusque dans l’intérieur de la Chine ; on le vend en Russie, aux