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vernement et la Commission feront cette recherche en commun. — Je ne propose pas, a dit M. Bourgeois, de décider dès maintenant qu’on recourra à la déclaration ou à la taxation administrative, mais seulement de ne pas repousser a priori ces procédés, non plus qu’aucun autre. — Là a été toute l’habileté du ministère. Il sait mieux que personne que, sans déclaration ou sans taxation arbitraire, son projet est irréalisable, et dès lors il y aurait eu courage et loyauté de sa part à exiger que la majorité se prononçât sur ce point. Il a préféré retarder la solution du problème, afin de retarder sa chute par la constatation de son impuissance. Lorsqu’on donne à une Chambre dans l’embarras un moyen de s’en tirer par un ajournement, il est rare qu’elle ne se rallie pas à un expédient qui, laissant tout en question, a l’air de ne rien compromettre. C’est ce qui est arrivé. La Chambre, à une majorité de quelques voix, a réservé une partie du projet, bien que cette partie fasse avec le reste, c’est-à-dire avec le principe, un tout indissoluble. Et voilà comment le ministère, à la veille des vacances, s’est assuré deux mois de vie.

Les radicaux et les socialistes ont poussé des cris de joie en entendant proclamer le résultat du vote. La séance s’était prolongée jusqu’à dix heures de la nuit, ce qui suffit à montrer quel acharnement on a mis de part et d’autre à la lutte. Lutte un peu artificielle, car tout le monde sait bien que le projet du gouvernement ne sera pas voté. S’il l’était par la Chambre, il ne le serait certainement pas par le Sénat ; mais il ne le sera pas par la Chambre même. « Démission ! Démission ! » ont crié les radicaux et les socialistes en se tournant vers le banc où siège la Commission du budget. La Commission ne se démettra pas de son mandat. La Chambre lui a renvoyé le projet du gouvernement en lui demandant de l’étudier : c’est une étude qui sera bientôt faite. Au lieu de repousser le projet dans son ensemble, on le repoussera en détail, article par article. Ce sera plus long ; mais c’est tout ce que demande le gouvernement, puisqu’il ne cherche qu’à durer. Ce sera du temps perdu ; mais le ministère n’y répugne pas. En présentant un projet d’impôt sur l’ensemble du revenu, il n’a pas eu le moindre espoir de le faire voter par le Parlement : il s’est préparé une plate-forme électorale pour les élections prochaines ? Sera-t-elle populaire et solide, comme il semble le croire ? Nous en doutons.


Voilà donc l’existence du cabinet radical assurée pour quelques semaines. Il continuera de diriger notre politique intérieure et notre politique étrangère. Celle-ci n’est plus confiée à M. Berthelot. Au dernier moment, et lorsque rien ne faisait prévoir cette détermination, M. Berthelot s’est démis de ses fonctions. Est-ce vraiment, comme l’a dit une note officieuse, pour des motifs de santé et des raisons de