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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/854

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l’expression soit ce qu’il faut. Cela me rappelle le conseil que donnait un académicien à un jeune auteur qui lui montrait une tragédie de sa façon. « C’est très bien, dit-il, mais pour assurer le succès de l’ouvrage, vous feriez bien d’y mettre quelques petits traits dans le genre du « qu’il mourût » de Corneille ou quelque chose d’approchant. » Moi, madame, je n’ai jamais su faire de tête. Je me casse la mienne à essayer de vous donner une idée de l’arrangement des couleurs de Velasquez. Lui s’est contenté de faire le portrait de sa femme, ou peut-être de celle d’un autre, car la sienne était un peu brune, et cette Vierge est blanche. Enfin j’aurai bientôt fini et je vous enverrai le dessin par Mlle Sophie, qui est une personne assez futée, mais très méchante.

Je suppose que vous me croyez fort malade. J’ai en effet trois ou quatre maladies mortelles, et de plus des blue devils qui sont pires que tous les maux. Cependant, je ne mourrai pas ici. Probablement ce sera sur une grande route ou dans une auberge. J’en ai toujours eu le pressentiment. Je pense à faire un très grand voyage en Orient. Depuis deux ou trois jours j’en suis très préoccupé et j’aurais envie de mettre une annonce dans le journal : « Wanted an agréable companion. »

J’ai eu de la prose à faire pour les monumens historiques et je n’ai pas encore commencé le livre que vous m’avez envoyé. Cet abbé n’est-il pas le même que vous m’avez recommandé pour les Philosophoumena d’Origène ?

Que ferions-nous de l’abbaye de Saint-Wandrille ? Elle est horriblement ruinée, et nous n’avons pas assez d’argent pour soutenir de plus beaux monumens encore existans, mais menacés de ruine. Nous avons acheté il y a deux ans un des plus beaux châteaux de France, avec tours, créneaux, mâchicoulis et des logemens pour une garnison de deux mille hommes, mais il ne nous en a coûté que 3 000 francs. C’est le château de Bonaguil, dans le département de Lot-et-Garonne. L’abbaye de Saint-Wandrille coûtera plus cher, et nous sommes bien pauvres cette année ; enfin, tenez pour certain qu’il y a en France bien des ruines plus belles que celles de Saint-Wandrille. Les archéologues normands sont des gascons et ils ont fait grand bruit de leur architecture dans un temps où l’on n’y entendait pas grand’chose, et où la France était un pays à peu près inexploré. Maintenant ce sont les Bretons qui crient pour leurs monumens. Ils n’ont que des dolmens. Cela n’empêche pas qu’à votre considération, je ne fasse des efforts pour le Folgoël, si tant est qu’il ait besoin de réparations de notre compétence. Notre architecte doit y aller très prochainement. Avez-vous lu le dix-septième volume de M. Thiers ? Il m’a charmé, sauf la conclusion qui m’a paru un peu longue. L’auteur prend