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LA LÉGION ÉTRANGÈRE

L’expédition de Madagascar vient d’attirer encore les regards sur la Légion étrangère[1]. On l’avait vue au Tonkin, à Formose, au Dahomey, incarner cet esprit « d’en avant » à outrance, cette endurance, cette impassibilité stoïque devant la misère destructrice, qui donnent la trempe d’un métal de soldats. Ses merveilleuses qualités ont retrouvé leur relief dans cette lugubre campagne de Tananarive, où l’énergie du combattant a dû suppléer toute la préparation absente, et où, pour elle, comme pour les autres volontaires de carrière, la comparaison s’est affirmée si écrasante, au détriment des appelés du service obligatoire. L’on s’est demandé pourquoi les légionnaires, comme l’infanterie de marine, comme aussi les tirailleurs algériens, ont seuls gardé leur ressort intact jusqu’à la fin, seuls fourni l’effort nécessaire à la construction de cette route maudite qui court entre des champs de tombes, qui fut le champ de bataille de cette expédition de souffrance, qui valut aux pelles et aux pioches l’appellation de fusil modèle 1895, et qui se lie au souvenir inexpiable des voitures Lefebvre ? Pourquoi nos jeunes troupes de France, parties d’un si bel élan, ont-elles été si vite dévorées par le climat, ruinées d’âme et de corps avant d’avoir pu agir ? Et c’étaient les meilleurs, ceux-là, le produit d’une sélection toute particulière, exercée sur toute l’armée, conduits par des officiers éprouvés, dont le choix témoignait d’une valeur peu ordinaire, entre tant de compétitions ardentes ! C’est une nouvelle et terrible leçon de choses qui

  1. Journal de marches et opérations des régimens étrangers. La Légion étrangère, par le général Grisot et le lieutenant Coulombon. — Journal de siège de Tuyen-Quan. — Conférences de garnison faites par le lieutenant Camps sur Son-Tay et Tuyen-Quan.