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capitaine Cattelin accourt avec la réserve générale, fait sonner la charge et refoule l’ennemi, la baïonnette aux reins. Il est quatre heures, les bombes, les fusées allument la nuit de lueurs de bengale, il y a un vent de balles qui passe, nos clairons sonnent avec rage, les gongs, les tams-tams s’agitent frénétiquement ; aux cris sauvages des Chinois répondent les hurrahs des légionnaires, c’est une scène indescriptible, dans son horreur fantastique.

Le 25, une mine saute encore, l’enceinte est une ruine. Enfin le 28, la mine du milieu de la face sud projette, en éclatant, d’énormes masses de maçonnerie à plus de 60 mètres ; c’est un signal d’assaut général. Pendant quatre heures, l’on se fusille à bout portant, l’on s’aborde à l’arme blanche, la fureur est inouïe, les Chinois jettent des pétards, des sachets de poudre dans la figure des défenseurs, rien n’y fait : les légionnaires sont inexpugnables et l’attaque brisée perd pied, abandonnant les brèches couvertes de ses morts. Mais déjà s’entendait, dans la direction de Yuoc, le canon de la colonne libératrice, l’espoir rentrait au cœur des assiégés, et la France conservait cette poignée de héros.

Voilà la Légion !

Si on ne compte plus les services qu’elle nous a rendus, on ne peut pas davantage, sans elle, envisager l’avenir. Dans ce mouvement d’expansion lointaine qu’on ne limite plus à sa guise, dès qu’on en a été saisi, et où nous sommes entraînés, elle reste l’assise fondamentale de nos forces coloniales. Déjà le contingent volontaire de l’infanterie de marine baisse d’inquiétante façon. Avec son organisation tout d’une pièce, l’écrasante proportion de ses appelés d’un an, notre armée de terre a perdu l’aptitude aux expéditions outre-mer. Dans notre état militaire qui peut mettre la nation en mouvement, il n’y a plus de soldats pour marcher. Sachons donc garder intacte la rare force combattante, que nous ayons à jeter immédiatement dans tous les hasards, accordons-lui la sollicitude dont elle est digne, les institutions rationnelles qui lui sont nécessaires. Son rôle ne peut que grandir. Est-il impossible de trouver la suffisante prévoyance, pour mettre son organisation en rapport avec ce rôle, sauvegarder sa valeur menacée, l’outiller pour porter toujours plus haut la lourde gloire de son passé, lui rendre enfin ce qu’on lui doit, dans son intérêt et surtout dans le nôtre ?


VILLEBOIS MAREUIL.