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C’est en 1851 que fut immergé le premier fil télégraphique entre Douvres et Calais ; la distance était courte, et le détroit a tout au plus 50 mètres de profondeur. Il fut encore assez aisé de relier l’Angleterre à la Belgique et à l’Irlande, même Malte à la Sicile et à Corfou. Les difficultés commencèrent lorsque les ingénieurs voulurent descendre leurs câbles dans les mers très profondes, comme la Méditerranée occidentale et l’Atlantique, surtout lorsque cette grande profondeur se rencontrait sur de grands parcours sans atterrissage intermédiaire.

Rappelons d’abord comment est fait un câble sous-marin. Il y a au centre un faisceau de fils de cuivre souple et bon conducteur de l’électricité, et alentour, une gaine de gutta-percha qui empêche la déperdition du fluide. C’est là ce que l’on appelle l’âme du câble. Puis, pour empêcher que cette âme fragile ne se détériore, on l’enveloppe de fils d’acier enroulés en spirale. Le faisceau des fils intérieurs doit être d’autant plus gros, l’enveloppe de gutta-percha doit être d’autant plus épaisse que le câble est plus long, car la résistance au passage de l’électricité croît à proportion de la longueur. L’enveloppe protectrice ne peut non plus être identique pour tous les parcours. A proximité des côtes, surtout s’il y a des fonds de roche ou de corail, il faut une forte armature, d’autant plus que les navires risquent de l’accrocher avec leurs ancres ou les pêcheurs avec leurs filets. Dans les grands fonds il suffit que l’armature ait assez de poids pour protéger le câble en cours de route et le conduire doucement jusqu’au sol sous-marin. Il y a donc dans la fabrication de ces câbles tout un ensemble de conditions, parfois contradictoires, qu’il importe de combiner dans la juste mesure, et surtout il est essentiel d’y éviter toute imperfection. Il n’en va pas là comme d’un édifice où l’on remplace, après achèvement, une pierre qui s’effrite par une autre pierre de même dimension. Le moindre défaut dans un câble immergé ne peut être restauré que par le relèvement, qui est toujours une opération très délicate, surtout lorsque le point fautif est à grande profondeur.

Ajoutons enfin que le passage continuel des effluves électriques use l’âme des câbles, surtout lorsqu’elles sont trop intenses, et que, par l’effet du phénomène connu sous le nom d’induction, l’électricité voyage beaucoup moins vite dans les fils garnis de gutta-percha que dans les fils nus des lignes aériennes ; d’où cette double conclusion que les câbles de grande longueur n’admettent qu’un faible trafic et qu’il est indispensable de ne leur fournir que des courans infiniment petits. On remédie aujourd’hui à ces deux inconvéniens par des procédés ingénieux, fruits de la théorie et