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début, le traitement peut s’élever jusqu’à 1 800 francs, un peu plus haut en certaines recettes dont la gestion exige beaucoup de travail et une capacité au-dessus de l’ordinaire. Quoi qu’il en soit, ces emplois sont très recherchés. On les réserve de préférence aux veuves et aux enfans des anciens serviteurs de l’Etat, civils ou militaires ; cependant, toutes peuvent y prétendre. Peut-être est-il difficile, à qui ne l’a pas vu de près, d’imaginer ce qu’il y a d’infortunes, et aussi de dévouement, de dignité et de probité professionnelle dans cette modeste classe de fonctionnaires, et celui qui en a été le témoin ne saurait l’oublier.

Se rend-on compte même de ce qu’est le travail intérieur des bureaux de poste et de télégraphe, en dehors du service des guichets que le public fréquente. C’est pendant la nuit que voyagent et travaillent ces nombreux bureaux ambulans qui reçoivent, trient et livrent en chaque gare des sacs de correspondances. Tous les courriers de quelque importance circulent aussi la nuit, réveillant à chaque station les receveurs auxquels ils remettent leurs dépêches. Et puis, pour que les facteurs puissent commencer leur tournée matinale, c’est à 5 ou 6 heures du matin que tous, receveurs, commis, facteurs, commencent l’ouverture des dépêches et préparent le classement des correspondances. Pour le télégraphe, le gros des correspondances s’échange, il est vrai, dans le courant de la journée ; mais, quand il est minuit à Paris, heure du repos, il n’est que sept heures du soir à New-York et il est huit heures du matin dans les mers de Chine. Il n’y a donc pas d’interruption dans le transit des correspondances lointaines qui traversent la France. De même, sur les fils qui relient nos grandes villes entre elles et avec les capitales de l’Europe, il n’y a pas un instant de trêve ; au cours d’une longue vacation, le préposé doit saisir à chaque instant des signaux fugitifs, et la moindre distraction est une cause d’erreur.

Je disais plus haut que le personnel des postes et des télégraphes forme une armée ; cette expression est inexacte en ce sens qu’il y manque la discipline militaire. Le soldat, quel que soit son grade, est lié par un pacte étroit qui va jusqu’à lui prescrire le sacrifice de la vie ; ce qui en fait la profession honorable par excellence. Un code pénal très minutieux a mis, en regard des fautes qu’il peut commettre, toute une échelle de peines disciplinaires savamment graduée qui va de la simple consigne jusqu’à la peine de mort. Il n’y a et il ne peut y avoir rien d’analogue dans les services civils. Le Code civil qui régit les rapports des citoyens avec les administrations aussi bien que des citoyens entre eux, dit quelque part : « Toute obligation de faire ou de ne