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dire des erreurs innombrables qui émaillent presque chaque page et qui ont bien le droit de surprendre de la part d’un écrivain anglais, catholique, voué depuis des années à ces études ? S’imaginer que l’émancipation des catholiques était encore à l’ordre du jour en 1830 ; appeler obstinément les Tractariens dès avant 1835 Puseystes, alors que Pusey venait à peine d’apporter publiquement à New m an sa précieuse adhésion et qu’il n’eut l’honneur de donner son nom à son parti qu’après 1845 ; trahir à chaque mot une inconcevable ignorance d’Oxford, des choses et des hommes de l’Université ; ne pouvoir presque loucher un point de l’histoire de l’anglo-catholicisme ou même de l’histoire générale, religieuse ou politique de l’Angleterre sans se fourvoyer dans un dédale d’inexactitudes et de contradictions ; déshonorer force citations latines par de grossiers barbarismes ; enfin, écrire lourdement, en oscillant entre l’emphase et la vulgarité, voilà quelques-uns des péchés de M. Purcell. Ils seraient véniels à mes yeux s’ils étaient seuls. L’inexcusable, le voici : qu’un homme à qui Manning avait ouvert les registres les plus secrets de ses papiers et de son cœur, qui a vécu des années dans le commerce quotidien, familier, intime d’une grande âme, se donne pour mission d’entrelarder ses extraits et ses précis de commentaires outrageans et de perfides insinuations ; qu’il interprète systématiquement à mal toutes les paroles, tous les actes, tous les silences de son héros ; qu’il lui prête gratuitement un égoïsme, une ambition, une jalousie, une duplicité, un amour et un art de l’intrigue, une lâcheté même également morbides et ignobles ; qu’il prenne texte de ses erreurs de fait ou de ses grossières confusions d’idées pour calomnier celui qu’il prétend juger, — voilà, on l’avouera, qui passe l’imagination des lecteurs ; voilà aussi, je pense, qui outrepasse les droits du biographe. M. Purcell pousse, du reste, si loin l’inconscience qu’il professe, — peut-être sincèrement, — une grande admiration pour l’homme qu’il vient de traiter de la sorte. Son code des convenances littéraires est bien singulier aussi. Afin de prouver sa gratitude à M. Gladstone, jadis l’intime allié de Manning et qui a prodigué les confidences et les révélations au biographe de son ami, il lui décerne en passant l’aimable surnom de Judas. Il ne s’est pas fait scrupule de publier soit des lettres expressément placées sous le sceau de la confession, soit des documens propres à réveiller de vieilles querelles entre les morts ou à en provoquer de nouvelles entre les vivans.

Un tel auteur se met lui-même hors de cour. Ce n’est point ainsi qu’on écrit l’histoire. Quant à savoir s’il aurait fallu l’empêcher de causer ce scandale, oserai-je avouer à ma honte que je