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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/184

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détruire les plantes adventives qui pullulent dans les blés semés à la volée, très vite inabordables au printemps et qui diminuent énormément la récolte, qu’on laissait la terre inactive ? Non, le bénéfice qu’on tirait de la jachère était bien plus élevé que celui qu’aurait pu procurer le seul nettoyage du sol ; ce bénéfice tenait à des causes plus profondes qu’on vient seulement de pénétrer.

Nous avons déjà insisté, ici même, sur les énormes quantités d’azote combiné que renferment nos terres cultivées[1] ; on y trouve souvent de 1 à 2 millièmes d’azote, ce qui représente pour un hectare de terre pesant approximativement 4 000 tonnes, de 4 000 à 8 000 kilos d’azote combiné ; or, les exigences d’une très forte récolte de blé sont de 100 kilos d’azote environ ; le sol contient donc infiniment plus d’azote qu’il n’est nécessaire pour alimenter les plantes qu’il porte, et cependant l’expérience nous enseigne qu’on n’obtient de forts rendemens qu’à la condition d’introduire, dans cette terre surchargée d’azote, des engrais azotés.

Visiblement, ces grandes réserves du sol se trouvent à un état tel que les plantes ne peuvent l’utiliser ; c’est qu’en effet, l’humus dans lequel l’azote est engagé en combinaison avec du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène, est une substance très stable, d’une décomposition lente et difficile ; son inertie est la cause même de son accumulation dans le sol : s’il était soluble ou très altérable, très vite il disparaîtrait.

Lentement, cependant, sous l’influence des fermens qui pullulent dans la terre l’humus se brûle ; son carbone s’unit à l’oxygène de l’air et s’échappe sous forme d’acide carbonique, son hydrogène forme : avec l’oxygène, de l’eau, avec l’azote, de l’ammoniaque. Bien que très soluble, celle-ci n’est pas entraînée, on ne la retrouve pas dans les eaux d’égouttement, mais elle subit une dernière métamorphose qui l’amène à une forme telle qu’elle est ou saisie par les végétaux ou entraînée par l’eau ; l’ammoniaque devient la proie des fermens nitreux, puis nitrique : du nitrate de chaux, du nitrate de potasse apparaissent, les plantes se les assimilent et prospèrent, car de tous les engrais azotés les nitrates sont les plus efficaces.

Pour que les réserves du sol deviennent utilisables, il faut qu’elles se transforment, et cette transformation ne se produit que si la terre est aérée et humide.

La terre n’est bien aérée qu’autant qu’elle est ameublie par les instrumens ; mais le travail des terres argileuses n’est pas toujours possible ; sèches ou trop humides, elles sont inabordables ;

  1. Voyez la Revue du 15 avril 1893.