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période de froid, 77 millions ; le déficit a été énorme, et les droits d’entrée sur le blé ont dû être réduits.

Quand le blé d’hiver a été détruit par la gelée, et qu’en mars il faut hâtivement recommencer les semailles du blé de printemps, bien moins prolifique que les variétés qui supportent habituellement l’hiver, les quantités récoltées sont toujours très réduites et une large importation nécessaire.

Heureusement, les tièdes vents d’ouest qui nous arrivent, chargés des brumes de l’Océan, dominent dans notre région du Nord de la France, et nous pouvons y cultiver sans grand danger les blés prolifiques d’origine anglaise ; mais déjà dans l’Est leur destruction par les froids de l’hiver est assez fréquente pour qu’on sème surtout des variétés, à rendemens moins élevés, mais plus résistantes à la gelée.

A voir, au commencement du printemps, les petites plantes qui ont victorieusement supporté l’hiver, on serait porté à croire qu’engourdi par le froid, le blé n’a guère progressé ; ce serait une erreur ; mais son travail presque entièrement souterrain échappe à l’observation ; pour le suivre aisément, j’ai ensemencé depuis plusieurs années un talus qui borde une route dominant de 1m, 50 environ mon champ d’expériences de Grignon, de telle sorte qu’il suffit d’un coup de bêche et de deux ou trois arrosages à l’aide d’une seringue de jardinier pour avoir les racines sous les yeux ; au moment d’une première observation, le 15 décembre 1893, les tiges n’avaient encore que 7 ou 8 centimètres, elles étaient liées au grain qui leur avait donné naissance par une petite tigelle blanche, formant à son arrivée à la lumière un nœud d’où parlaient les premières feuilles ; du grain s’échappaient des racines fines, grêles, s’enfonçant profondément jusqu’à 20, parfois 30 centimètres. Six semaines plus tard, le spectacle était changé, l’hiver avait été clément et le travail souterrain très actif ; les racines, au lieu de partir exclusivement du grain, s’échappent du renflement, du nœud qu’a formé la tige en arrivant à la lumière ; on peut encore apercevoir le grain fixé à la petite tige souterraine, mais il est réduit aux enveloppes ; tout l’amidon, tout le gluten, ont disparu ; ils ont servi, d’une part, à former les jeunes organes, et, de l’autre, à entretenir la combustion qui a favorisé les transformations des réserves de la graine en élémens propres à l’élaboration des racines et des feuilles ; celles-ci sont devenues plus nombreuses ; elles partent du renflement de la tige à la surface du sol, du collet.

Au mois de mars, on constate, en général, que la petite tige blanche souterraine a disparu, que les premières racines sont mortes, mais que du collet, il en a surgi de nouvelles, nombreuses,