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NAPOLÉON ET CAULAINCOURT
APRÈS UNE PUBLICATION RÉCENTE

Au lendemain de nos malheurs, il était de mode parmi nous de médire de la diplomatie ; elle était dans un profond discrédit. Les peuples qui ont essuyé de grands revers font volontiers retomber leurs torts sur un bouc émissaire, qu’ils chargent de malédictions ; cela ne guérit pas, mais cela soulage. Nous avons longtemps imputé à nos ambassadeurs, à nos ministres plénipotentiaires des péchés qu’ils n’avaient pas tous commis ; nous les accusions de n’avoir pas su s’informer, de n’avoir rien deviné ni rien prévu. Nous avons appris depuis que plusieurs d’entre eux avaient donné en temps utile de sérieux avertissemens ; était-ce leur faute si on ne les avait pas écoutés ?

Un journaliste célèbre, qui avait plus d’esprit que de jugement, ne craignit pas d’avancer que la diplomatie était la plus inutile des institutions, que les événemens en faisaient foi. Un homme d’État, qui aimait à rire, s’amusa à lui donner raison en prédisant qu’avec la facilité croissante des communications, les gouvernemens, qui auraient des affaires à traiter ensemble, se passeraient désormais d’intermédiaires, de fondés de pouvoir. « Le comte de Beust, a dit le comte d’Antioche dans son intéressante étude sur les Négociations masquées, se plaisait à décrire ces transformations de l’avenir : il voyait son successeur à la chancellerie d’Etat à Vienne s’entretenant familièrement par le téléphone avec le chef du Foreign Office à Londres, pendant que le phonographe, disposé à cet effet, recueillerait de part et d’autre l’entretien. Dès lors plus de dépêches, — Allo ! partout, — plus d’archives, plus de dossiers, plus de signatures, mais une série de cylindres enregistreurs qui répéteraient fidèlement les paroles échangées lorsqu’on voudrait les réveiller pour les consulter. »

Le comte d’Antioche remarque fort sensément à ce sujet que les