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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/26

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whigs après près d’un demi-siècle de gouvernement tory et de résistance à outrance contre toute nouveauté au spirituel comme au temporel. L’esprit de tolérance, confondu à tort avec l’esprit d’indifférence sceptique, venait, grâce à la grande trahison de Peel et de Wellington, de remporter une victoire décisive dans l’affaire de l’émancipation des catholiques et allait abolir les Tests ou sermens religieux. Les libéraux avouaient hautement leur dessein de réformer l’Eglise, de supprimer des évêchés et des prébendes, de réviser revenus et dotations, d’abolir les dîmes. Une voix partie de fort haut venait de sommer les évêques de mettre leur maison en ordre. Enfin l’avènement de couches nouvelles, de ces classes moyennes, tout envahies de la lèpre de la non-conformité, l’ombre grandissante jetée sur le royaume insulaire par la révolution continentale, tout cela effrayait les fidèles. Le jeune clergé, en particulier, se sentait appelé à une guerre sainte.

Ces champions jetaient les yeux tout autour d’eux pour découvrir des moyens de défense. Dans l’arsenal officiel de l’anglicanisme, ils ne trouvaient que les armes rouillées, émoussées, usées de la religion d’Etat et de l’orthodoxie politique. Quant à l’évangélisme, d’un côté, il pactisait avec l’ennemi en communiant avec les schismatiques de la dissidence protestante ; de l’autre, il n’offrait que des armes mal trempées, qui volaient en éclats au premier contact avec les lames affilées et à double tranchant de la controverse catholique ou de la polémique révolutionnaire. Si l’Eglise d’Angleterre devait être sauvée, il fallait retrouver ses litres et les lui rendre. Si elle devait être mise à l’abri des entreprises humaines, il fallait lui restituer les pouvoirs surnaturels de sa mission divine. Si elle était autre chose que la créature de l’Etat, à la merci des détenteurs de la puissance temporelle, il fallait restaurer sa puissance spirituelle, la ramener à ses origines surnaturelles et remettre au jour ces notes ou ces caractères authentiques qui font l’Eglise et sans lesquels il n’y a pas d’Eglise. Tout le mouvement d’Oxford, tout l’anglo-catholicisme était en germe dans la perception de ces besoins.

Quelques jeunes hommes, pour la plupart agrégés du collège d’Oriel, à Oxford, se sentirent pressés de se mettre en campagne. Keble, jadis illustré par une carrière universitaire d’un éclat sans égal, retiré dans une cure de campagne, non sans qu’un rayon de gloire fût venu l’y chercher après la publication de son poème, l’Année chrétienne, d’une poésie un peu mièvre, mais sincère et fraîche, venait de prêcher (14 juillet 1833), à l’ouverture des assises d’Oxford, ce sermon sur l’apostasie nationale où Newman vit toujours le premier coup de clairon de la guerre sainte. Newman arrivait de ce voyage d’Italie et de Sicile, tout illuminé