Elle continue, lui parti, mais dans une confusion croissante. Les plus irrités sentent l’horreur du vide, l’impossibilité de résister, soit à Paris, soit en province, contre le fait accompli, toute leur énergie se borne à vouloir une protestation dont ils ne parviennent pas à rédiger le texte. Ils conviennent de se réunir le lendemain chez M. Johnston pour en entendre la lecture ; nombre d’entre eux auront demain quitté Paris, et signent aussitôt sur des feuilles blanches, feuilles semblables à celles où quand la mort est venue et présente, l’on inscrit, à la porte de la demeure en deuil, son nom, comme un dernier et vain témoignage d’attachement.
Ils purent, à leur sortie, voir les scellés posés sur les portes du Palais-Bourbon. Tandis que Jules Favre à la Présidence assurait aux députés son respect pour la liberté de leur conscience, Glais-Bizoin occupait militairement la Chambre, avec la garde nationale. Pour obtenir la retraite des révolutionnaires établis dans la salle des séances, il dut leur promettre que le Corps législatif n’y rentrerait pas. Les derniers des envahisseurs se dispersèrent, rassurés par l’apposition des cachets.
En même temps on s’était occupé du Sénat. Là ni membre du gouvernement, ni scellés, ni troupes, ne parurent nécessaires. Un adjoint au maire de Paris, Floquet, fit signer par Pelletan une défense à la haute assemblée de se réunir, et porta le pli au Luxembourg, qu’il trouva vide. Le grand référendaire Barrot déclara qu’il cédait à la force, le général de Montfort, commandant du palais, transcrivit la pièce sur son livre d’ordres, promit que les sénateurs ne siégeraient pas, et demanda seulement pour eux l’autorisation de reprendre leurs costumes et menus objets laissés au vestiaire. Et le vœu suprême formé au nom de ce grand corps fut pour le salut de la garde-robe.
Ainsi finirent les deux assemblées qui représentaient alors le pouvoir parlementaire. Tandis que le Sénat, défendu par l’éclat de son impuissance contre les attaques de la foule, n’avait mis à profit cette sécurité que pour disparaître, sans donner à la dynastie si longtemps adulée un témoignage d’attachement, le Corps législatif, après l’envahissement, avait voulu se survivre et rassembler ses membres dispersés. Et pour quoi faire ? Pour prononcer la déchéance de l’Empire. Il restait à celui-ci l’avantage d’avoir péri par une violence commune avec les élus de la nation : ces députés avaient ressuscité une heure pour séparer leur cause de la sienne, et employé cette heure à le condamner. Il fallait qu’une fois encore s’accomplît la loi constante des chutes napoléoniennes, que le régime succombât, après les défaites sous les