Pour les deux portefeuilles militaires on tomba d’accord qu’il fallait des hommes d’épée. Le ministre de la Guerre fut le général Leflô. Il était le plus obscur, mais, avec Changarnier, le dernier survivant des généraux qui avaient refusé le serment à Napoléon III. Cet acte honorable de fermeté et de désintéressement l’avait depuis dix-huit années rendu étranger à l’armée. L’on n’y prit pas garde ; et, à une heure où le meilleur chef eût été le plus familier avec la tactique, les troupes et les officiers de 1870, 1e portefeuille de la guerre fut donné à la vertu civique, comme si l’ennemi était Napoléon et non l’Allemagne. La Marine fut réservée à l’amiral Fourichon. Celui-ci commandait alors une de nos escadres, avec une belle réputation militaire. Mais ce mérite, que nul dans le gouvernement, sauf Trochu, ne pouvait juger, ne fut pas le meilleur titre de l’amiral : il fut nommé parce que, parmi les officiers de son grade, il passait pour le plus hostile au régime déchu. De même le commandement de la garde nationale fut donné à un capitaine d’artillerie, Tamisier, qui avait quitté l’armée au coup d’Etat. Les postes de procureur-général et de procureur de la république furent attribués à deux républicains de 1848, Leblond et Didier. Enfin le gouvernement se choisit trois secrétaires, Dréo, Hérold qui devint en outre secrétaire-général à la justice, et Lavertujon qui reçut en même temps la direction du Moniteur.
Quand, vers deux heures du matin, la séance fut levée, non seulement les élections n’étaient pas résolues, mais le mot même n’en avait pas été prononcé. Le seul homme qui eût pensé à elles, Picard, s’était contenté de rédiger une note où elles étaient promises comme prochaines, sans indication de date, et l’avait envoyée au Moniteur. Mais le Moniteur était sous le contrôle de Gambetta, et la note ne parut point.
Dès leur première séance, les élus de l’Hôtel de Ville avaient pris parti et engagé l’avenir. Ils avaient agi en hommes qui songent non à transmettre, mais à exercer le pouvoir.
Avant même que ce gouvernement eût tenu sa première séance, le parti révolutionnaire de Paris avait pris ses premières mesures pour conquérir le pouvoir qui venait de lui échapper.
Démagogues et socialistes avaient compris que leurs divisions étaient une cause, et la principale, de leur échec. L’avènement du régime républicain allait rendre sans danger pour eux une action publique et permanente. Les socialistes en prirent l’initiative. Leur masse était groupée en deux associations, l’Internationale et