d’envelopper dans un mysticisme un peu symbolique ses sentimens les plus intimes et les plus personnels.
J’ai dit plus haut que les six cahiers des Assauts critiques parus en 1882 avaient été rédigés de concert par M. Julius Hart et son frère M. Heinrich Hart. Celui-ci, de nature sans doute plus pondérée, plutôt critique que poète, était mieux en état de s’astreindre à suivre les règles qu’il assignait à la poésie. Mais aussi se trouva-t-il ainsi conduit directement à l’épopée, et, par l’épopée, à des sujets vraiment peu modernes. Après avoir publié, lui aussi, un recueil de poésies lyriques, il annonça l’intention de consacrer sa vie à parfaire une œuvre géante qui comporterait vingt-quatre volumes portant le titre général de Chant de l’humanité, un cycle d’épopées, comme M. Zola avait fait un cycle de romans, et qui représenterait toute la vie de l’humanité à travers les âges. On sait que Lamartine avait formé le même projet, mais il n’écrivit que deux chants : Jocelyn et la Chute d’un ange. Victor Hugo fut plus complet, parce qu’il eut la prudence d’entreprendre des œuvres de moins longue haleine, et nous avons eu ainsi la Légende des siècles. M. Heinrich Hart achèvera-t-il jamais l’œuvre qu’il a entreprise ? Il a donné presque coup sûr coup les deux premiers livres : Tul et Nahila, et Nemrod. Le troisième, Moïse, dont plusieurs revues ont publié des fragmens étendus, se fait attendre depuis déjà longtemps. Ces premiers volumes ne manquent ni de couleur, ni même de grandeur ; mais nous n’y pouvons encore trouver que la preuve d’une belle imagination, nous y apprenons seulement comment le poète se représente un monde que ni l’histoire, ni même l’anthropologie, ne peuvent guère faire connaître. Pour savoir si M. Heinrich Hart doit nous donner un jour la poésie de « réalisme objectif » qu’il nous a promise, il nous faudra attendre jusqu’à l’apparition du vingt-quatrième et dernier livre, qui seul doit traiter de l’humanité présente ; mais je crains fort que nous ne risquions de l’attendre sans fin.
Les exigences formulées par le réalisme, le rappel à la nature qu’il fit entendre, se transformèrent pour les jeunes poètes en un appel à plus de liberté que n’en avaient pris leurs prédécesseurs, à plus de vérité intime et, en lin de compte, à un développement plus spontané de l’individualité artistique. Toute poésie lyrique ne peut guère s’épanouir que dans ce sens, et c’est aussi dans ce sens que travaille la nouvelle jeune Allemagne. Elle était entrée en campagne avec l’intention d’édifier une « poésie objective » ; et elle dut bientôt s’apercevoir que le résultat de ses efforts