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mon tour parler le langage de la maison. Au début l’abbé a essayé de s’opposer à ce débordement d’éloquence, il a tâché de discuter. Bien vite il s’est rendu compte que cela ne servirait à rien, que « ce pape », comme il l’appelle, ne pouvait tenir un autre langage, qu’il disait ce qu’il devait dire. Il renonce aie convertir. Il nous est arrivé à nous tous de nous trouver au cours d’une discussion en présence de gens entêtés dans leurs idées, et à qui il n’y a pas moyen de faire entendre raison. Nous nous sommes désintéressés de la lutte, et nous avons feint de dire comme eux, crainte de les exciter. Ainsi fait l’abbé Pierre. Un moment il avait eu la tentation de crier : « Eh bien ! c’est fini de vous, de votre Vatican et de votre Saint-Pierre. Tout croule sous l’assaut du peuple qui monte et de la science qui grandit. Vous n’êtes plus, il n’y a plus ici que des décombres. Mais il ne prononça pas ces paroles. Il s’inclina et dit : Saint-Père, je me soumets et je réprouve mon livre. Sa voix tremblait d’un amer dégoût… » Le pape ne sent même pas ce qu’il y a de dédaigneux dans cette apparente soumission. En somme, le beau rôle reste à l’abbé. Comment en aurait-il été autrement ? Celui-ci est un homme de bon sens, de raison, de belle santé morale : c’est, pour tout dire, un prêtre incrédule. Il a très vite jugé la situation. Il a vu clairement qu’il n’y avait rien à faire avec « ce pape ».

Aussi bien, et quelle que soit l’impartialité dont on se pique, on ne peut s’empêcher de laisser percer son sentiment intime. Il est assez aisé de deviner la querelle que, au fond de lui, M. Zola fait au pape. Il lui en veut de ne pas faire assez de concessions sur les points essentiels. Pour sa part il pense que le mieux serait de jeter bas tout l’édifice. « N’aurait-il pas mieux valu mettre la pioche dans tout ce passé pourrissant, tombant en poudre, pour que le soleil entrât librement et rendît au sol purifié une fécondité de jeunesse ? » Il en veut au pape de ne pas se prêter à cette opération radicale. Il lui reproche de rester orthodoxe, au lieu de se faire protestant ou copte. Il lui reproche d’être Léon XIII quand il pourrait être le Père Loyson.

M. Zola a-t-il d’ailleurs dans sa peinture du monde ecclésiastique commis des inexactitudes ? Cela n’intéresse que les gens compétens. Quelles sont, sur l’avenir de la religion et sur les problèmes de la foi, ses idées personnelles ? Cela n’intéresse personne. Mais il peut être amusant pour les curieux de lettres de savoir quel est le livre qui, d’après M. Zola, doit remplacer les livres inspirés, quelle est cette Bible de l’avenir, quel cet Evangile des temps nouveaux. Et comme, suivant les apparences, vous ne le devineriez jamais, j’aime mieux vous dire tout de suite que c’est le Manuel du baccalauréat ès sciences. N’est-ce pas là, en effet, que se trouvent résumées les connaissances inscrites aux programmes et requises pour les examens ? N’y trouve-t-on pas, sous forme élémentaire, toutes les sciences, mathématiques, physiques,