le Pré aux Clercs. Chef-d’œuvre du genre historique pourtant, chef-d’œuvre d’action, de mouvement, d’intrigue même, non moins que de sentiment et de caractère. Serait-ce donc, comme nous le disions plus haut à propos d’Hellé, que décidément le livret n’a pas tant d’importance, et que rien au fond n’est radicalement incompatible avec la musique. Vous connaissez le mot de Grétry : « Il y a chanter pour chanter, et il y a chanter pour parler. » Il y a aussi, — du moins il y avait en notre art lyrique français, — parler pour parler, et je connais peu d’opéras-comiques ou de comédies musicales, — le mot n’importe guère, — où soient, plus heureusement que dans le Pré aux Clercs, combinés et conciliés ces trois modes d’expression. En relisant hier la partition d’Hérold, j’admirais une fois encore avec quel art, quelle entente des proportions et des alternatives harmonieuses, le compositeur a distribué pour ainsi dire les pleins et les vides, comme il a su répartir et ménager sa musique : la sacrifier là où elle n’a que faire ; lui tout sacrifier au contraire quand il le faut ; enfin, quand il le faut aussi, l’atténuer, la réduire à n’être plus qu’une parure, un agrément léger de l’action ou du discours. Il y a relativement peu de musique en cette partition du Pré aux Clercs, d’un tiers moins volumineuse que celle du Chevalier d’Harmental ; mais que ce peu est donc significatif et efficace ! Comme avec sobriété, mais avec justesse, tout est marqué de l’accent, de l’empreinte nécessaire et suffisante !
Le moindre personnage est « posé » : celui de la reine Margot en trois ou quatre phrases, pas davantage, et n’eussiez-vous jamais vu cette princesse que sous les espèces de Mlle Chevalier, interprète ordinaire des grandes dames à l’Opéra-Comique, aujourd’hui de la duchesse du Maine, vous conserveriez d’elle pourtant le plus délicieux souvenir. Parmi ces phrases de la reine, rappelez-vous, au second acte, les instructions données au tremblant Cantarelli, pour assurer, à la faveur de la mascarade, l’enlèvement d’Isabelle par Mergy :
- A la fête Isabelle
- Va se rendre avec vous ;
- Prévenons avec zèle
- Les soupçons du jaloux.
- Sur un mot de colère
- Que m’a lancé le roi,
- J’ai dit devant ma mère
- Que je restais chez moi.
- Il faut, pendant la danse,
- À cette porte-ci
- M’amener en silence
- Notre tendre Mergy ;
- Dans ce jour de folie
- Vous commandez à tout,
- Et votre seigneurie