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que l’expédition fût bien pourvue de tout et accompagnée de nombreux naturalistes et astronomes : il prescrivait au commandant d’entrer en relations avec les populations et de bien examiner le pays. Malheureusement on explora surtout les parties les plus inhospitalières du continent, la côte aride et rocheuse de l’Australie de l’ouest, et l’on se contenta de nommer les divers points de la côte : c’est ainsi que sur une carte de 1812, j’ai vu le grand golfe Spencer, dans l’Australie du Sud, nommé golfe Bonaparte. Ce nom n’a pas subsisté, mais beaucoup d’autres ont été définitivement adoptés : la baie du Géographe et le cap Naturaliste témoignent notamment de la visite des vaisseaux français. Sous la Restauration, ces tentatives se renouvelèrent, toujours du côté de l’Australie de l’ouest. En 1826 le gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud, inquiet des projets des Français, envoya un officier anglais prendre formellement possession de la partie ouest du continent à King-George’s Sound.

L’établissement australien commençait dès lors à prendre quelque importance : dès 1821, il comptait 35 000 habitans, et trente ans plus tard, à la veille de la découverte des mines d’or, ce chiffre s’était élevé à plus de 400 000. On oublie souvent que l’éblouissante prospérité de l’Australie, depuis qu’on y a trouvé des métaux précieux, avait été précédée et préparée par un développement agricole et pastoral fort important, auquel avaient donné principalement naissance les extraordinaires facilités qu’offre le pays à l’élevage du mouton, et qu’avaient favorisé l’habile usage que firent les Anglais de la transportation et l’excellent régime d’appropriation des terres qu’ils instituèrent.

La transportation est très décriée en France aujourd’hui, sans doute parce que nous n’avons jamais su nous en servir. Les Anglais au contraire en tirèrent le plus grand parti de deux manières : d’abord, en faisant exécuter par les convicts des travaux publics de tout genre, routes et défrichemens, qui préparèrent le terrain à la colonisation libre ; plus tard et concurremment, en assignant les condamnés aux colons, qui pouvaient disposer de leurs services comme ils l’entendaient, à charge seulement de les nourrir et de les loger. La question de la main-d’œuvre, souvent très difficile aux débuts d’une colonie, à cause du désir des immigrans de devenir tous propriétaires le plus tôt possible et d’exploiter pour leur propre compte, se trouvait ainsi résolue d’elle-même. Le rapide développement de la population australienne prouve que la présence des convicts aux colonies n’en écartait pas l’immigration libre : de 1831 à 1841, alors que la transportation était encore en vigueur, le chiffre des habitans de l’Australie