l’impossibilité de l’exploitation personnelle. » L’administration a sauvé son âme, elle a respecté les principes ; c’est la colonie et les colons qui en pâtissent.
M. Bonvalot et le Comité Dupleix ne se chargent pas de fournir un capital de premier établissement à quiconque a des velléités d’émigrer et le désir de n’en être pas réduit à mendier une concession gratuite. Que les hommes mécontens de leur sort, qui veulent passer les mers, ne s’y trompent point, ce n’est pas de l’argent qu’ils doivent aller chercher rue Choiseul. M. Maillet vit entrer un matin dans ses bureaux un quadragénaire qui avait conçu le projet d’aller s’établir en Nouvelle-Calédonie avec sa femme et ses quatre enfans, et de s’y livrer à une exploitation de café. Il était intelligent, il avait fait son plan, ses calculs, et ses chiffres étaient exacts ; il estimait qu’un capital de 100 000 francs lui suffirait pour réaliser de gros bénéfices, et il comptait sur le Comité Dupleix pour le lui procurer. M. Maillet lui expliqua longuement que le Comité Dupleix n’était pas un bailleur de fonds, que les capitalistes seraient plus disposés à en avancer à l’émigrant quand ils croiraient fermement à l’avenir de certaines colonies françaises, qu’elles jouiraient du crédit financier le jour où elles auraient acquis le crédit moral, que c’était pour travailler à cet heureux changement que le Comité Dupleix avait été créé : « Il nous écoutait patiemment, mais il eût pu nous répondre comme l’homme de la fable ; Le moindre ducaton ferait mieux mon affaire. »
Par des conférences, par des publications diverses, par de petits journaux et de petites revues, par des almanachs, des abécédaires, par l’imagerie à bon marché, le Comité Dupleix se propose de répandre en France cette idée très simple, et qui pourra sembler hardie, que pour un jeune homme sain de corps et d’esprit, possédant quelques ressources et certaines connaissances techniques, la colonisation est une carrière, et qu’il se rendra plus utile à son pays et à lui-même en se préparant à ce métier qu’en sollicitant des places ou en dégustant d’avance des héritages peut-être chimériques. « Il faut s’adresser aux jeunes gens, dit M. Bonvalot, même aux jeunes filles, de sorte que l’idée coloniale pénètre dans la famille par les enfans. Les Américains consacrent depuis un temps immémorial presque le dixième de leurs publications à la vie du Far West, sur lequel se dirigent les entreprenans. Et il arrive que le roman du petit Américain est le Far West. Le roman du petit Français susceptible de quitter la mère patrie sera : les colonies. On peut obtenir ce résultat que de jeunes Français disent : « Je serai colon », comme d’autres disent : « Je serai médecin, je serai soldat. » Les voilà persuadés, convertis ; qui leur fournira le capital nécessaire ? Leur famille ; elle n’hésitera pas à leur constituer une dot le jour où elle sera convaincue que les colonies ne sont pas un dépotoir, un mauvais lieu, que les émigrans ne sont pas tous des