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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/732

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l’honneur, il aurait fallu réfléchir. Les républicains s’étaient bornés a entrevoir et, sans mauvaise foi, avec la crédulité de l’incompétence, n’avaient retenu de l’histoire que les leçons favorables à leurs préjugés.

Echappant ainsi à l’inquiétude que l’armée devînt trop faible au dehors, ils vivaient obsédés par la crainte qu’elle fût trop forte au dedans. C’étaient des soldats de métier qui, deux fois en cinquante ans, le 18 Brumaire et le 2 Décembre, avaient jeté bas une république pour établir une dictature. Telle était l’inexpiable faute que les républicains voulaient venger. Leur défiance avait commencé avec le siècle, quand l’armée était devenue l’arbitre du gouvernement. Leur animosité avait grandi quand de nouveau, par une violence de cette armée, s’était élevé un Bonaparte. Rien ne leur paraissait aussi nécessaire que préserver l’avenir de ces perturbations chroniques, car ils ne voyaient pas, dans le double attentat, une alliance de hasard entre le soldat et le dictateur : ils pensaient que le soldat engendre la dictature. L’établissement d’une armée permanente séparée des citoyens, vouée au silence, instruite à la soumission passive, soutenue par une hiérarchie rigide, leur paraissait fonder une contradiction dans une société égalitaire, libre, maîtresse de ses chefs et conduite par l’opinion générale. Ils tenaient pour impossible que de cette contradiction sortît la concorde, pour inévitable que l’une de ces sociétés travaillât à subordonner l’autre. Il leur paraissait comme fatal que l’armée, habituée à mépriser les institutions civiles, les suffrages politiques, et le gouvernement de la parole, aspirât à fonder l’ordre sur le silence, la puissance sur l’unité de commandement, à donner, par l’élévation d’un de ses chefs au pouvoir suprême, un couronnement à sa propre hiérarchie. Eux voulaient surtout se délivrer de cette menace quand ils prétendaient abolir les institutions qui perpétuaient dans le corps fermé cet esprit particulier, faire pénétrer la nation dans l’armée, ou plutôt dissoudre l’armée dans la nation, et, en confiant les armes aux citoyens eux-mêmes, et en remettant à ces citoyens le choix de leurs chefs, empêcher à jamais qu’un César fût imposé par des prétoriens. C’est la raison de parti qui avait affermi les élus du 4 Septembre dans leurs doctrines militaires : leur hostilité contre l’armée était une forme de leur haine contre l’empire. Et quand la défaite de cette armée vint fournir prétexte à la fois à tous leurs griefs, c’est la rancune de parti qui dérobait aux yeux de la démocratie les forces saines encore dans ces vaincus, c’est elle qui se satisfaisait par un mépris public pour toutes les institutions militaires, par une hiérarchie d’outrages s’élevant avec