variée ; et la plus simple façon d’être exact, en l’espèce, est de reprendre la vieille distinction entre villes et campagnes.
En général, dans l’Allemagne proprement protestante, les villes et leur périmètre rural sont devenus, suivant une expression familière à certains pasteurs, des « cimetières spirituels ». Volontiers, à travers le monde, on répute Berlin comme le type de cette cité que le bon Plutarque déclarait impossible, une cité athée ; cette renommée n’est point usurpée. Vers 1880, l’impiété berlinoise atteignait à d’étranges confins ; à cette date, d’après les statistiques officielles de la conférence évangélique d’Eisenach, 26 pour 100 des enfans protestans restaient sans baptême ; 59 pour 100 des mariages, 80 pour 100 des enterremens étaient purement civils ; sur 100 membres de l’Eglise évangélique, on comptait, par an, 13 communions ; et 10 pour 100 seulement, enfin, se donnaient la peine de prendre part aux opérations électorales des communautés. L’Eglise évangélique cria disette, disette de temples aussi bien que de fidèles ; et l’Etat, impuissant à multiplier les fidèles, multiplia du moins les temples.
En 1889, on évaluait à 40 le nombre des nouvelles églises qui devaient être bâties à Berlin ; sept ans ont suffi pour que 22 fussent édifiées ; 8 autres sont en construction. L’anecdote suivante, qui ressemble vaguement à une légende de caricature, m’a été donnée comme authentique. Sous les Tilleuls, un gamin salue la voiture impériale ; un monsieur chauve, près de lui, fait de même ; et le Bursche de crier au Philister dénudé : « Prenez garde, si l’on voit une place vide, on y fera bâtir une église. » Guillaume II et l’impératrice, grands bâtisseurs, épient les places vides, dans leur capitale, pour les consacrer à Dieu. La cour est dévote ; on sait, parmi les fonctionnaires, que le pouvoir aime la religion, fondement d’un certain ordre moral ; à la portée des fidèles, il multiplie les endroits où l’on prêche ; cela suffit pour que la pratique religieuse augmente. Rappelez-vous les chiffres dérisoires de 1880, et rapprochez-en ceux de 1893 ; à cette dernière date, on comptait seulement 12 pour 100 des nouveau-nés, 36 pour 100 des mariés, 63 pour 100 des défunts, qui échappassent à la bénédiction du pasteur ; et pour 100 fidèles inscrits, on trouvait, non plus 13 communions comme en 1880, mais 16. Quelques années de collaboration entre la puissance laïque et l’église ont amené ce relèvement ; et lorsque nous disons l’église, nous n’entendons point seulement le clergé paroissial, trop peu nombreux, mais les pasteurs de la Mission Intérieure, étrangers à la hiérarchie. Un capucin de la Bavière, le l’ère Cyprien, a noblement rendu justice aux multiples travaux de cette mission protestante ; il lui attribue même, peut-être, plus de succès qu’elle n’en a, ou plutôt