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missent point trop de zèle à lui vouloir du bien ; il n’y a pas là, comme à Berlin, ces essais d’une piété de commande, qui rendent haineuse l’impiété ; les clergés vivent et la ville vit. M. Naumann, tribun des « Jeunes » (ainsi l’on appelle un nouveau groupe social évangélique), est une exception dans son église, et d’ailleurs un pasteur hors cadre ; il n’y a point, à proprement parler, une association catholique de travailleurs ; et, pour 53 000 catholiques on ne compte que 20 000 communions pascales, ce qui passe pour médiocre au-delà du Rhin. Il semblerait que Ketteler, dont l’action secoua si fortement l’Allemagne catholique, eût dû laisser à Mayence une empreinte profondément religieuse ; la supposition serait excessive. Par-delà Ketteler se répercute la libertine influence de certains princes-archevêques de l’ancien régime ; leur gouvernement et leurs exemples avaient dissous la ferveur ; une nouvelle conquête partielle du peuple catholique est restée nécessaire dans la Hesse. Or si l’on observe les procédés qu’emploie le clergé et les lois qu’il subit, si l’on mesure les libertés qu’il prend et celles qu’il obtient, il semble que cette conquête soit encore lointaine. Malgré les incessans efforts du docteur Haffner, l’évêque actuel, les ordres religieux sont bannis ; l’école n’est point confessionnelle ; les associations d’hommes (Männervereine) suffisent au zèle des prêtres ruraux ; à la différence du clergé rhénan, ils ne soutiennent point, si même ils ne voient d’un mauvais oui, les associations de paysans fondées en vue d’intérêts économiques (Bauernvereine), et Darmstadt est la seule ville de Hesse où l’on cite un notable progrès de l’activité catholique. Fort indifférent à cette anémie de l’Eglise romaine, le gouvernement grand-ducal infuse volontiers un sang nouveau dans l’église protestante en favorisant les tendances libérales à l’université de Giessen. Vous entendez répéter dans les sphères officielles, avec une certaine complaisance, que cette université est un laboratoire de la théologie moderne, historique et critique ; et suivant que vous regardez une telle théologie comme une incarnation, plus pure et plus éclatante, de la pensée religieuse, ou comme un travestissement et une mutilation de cette pensée, vous évaluerez avec une balance différente la reconnaissance que doit à la liesse le protestantisme allemand.

Le grand-duché de Bade, dont nous avons expliqué par l’histoire elle-même la confusion confessionnelle, se distingue de toutes les autres régions de l’Empire par un double trait. En premier lieu, par la grâce de l’Etat et du corps électoral des communautés, le libéralisme, c’est-à-dire un ensemble de tendances hostiles à l’interprétation littérale et traditionnelle du dogme et à un servile respect du symbole, prévaut dans l’église