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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/833

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par la juste position du verre, si méticuleux ; sans compter que l’oisiveté leur était plus funeste que le travail et qu’elles ne marchaient bien qu’à la condition de marcher tous les jours.

Ces défauts, auxquels ils se résignaient, étaient ressentis à coup sûr par nos contemporains, car, depuis les innovations récentes, l’usage de l’huile a diminué des trois quarts. Le colza pourtant est, comme on l’a vu, de bien moindre prix que tous les similaires antérieurs ; mais il est beaucoup plus cher que le pétrole ou l’électricité. De 185a à 1889, la consommation de l’huile à Paris avait baissé de 60 pour 100 ; de 1889 à 1893 elle est encore tombée d’un tiers : de 6 à 4 millions de kilos par an pour l’ensemble de la capitale. Aussi la surface consacrée en France à la culture du colza, qui était de 200 000 hectares en 1862, s’est-elle graduellement réduite à 40 000 hectares, expulsée peu à peu de la carte agricole : comme tant d’exploitations rurales, dont l’avènement marque un progrès et l’effacement un autre progrès, supérieur au premier.

Une industrie, dont le succès et l’abandon auront été également utiles, un de ces luminaires qu’ignoraient nos ancêtres et que ne connaîtront sans doute plus nos petits-enfans, est celui de la bougie stéarique. Pour fabriquer la bougie, au lieu d’employer le suif complet, tel qu’il sort du fondoir, on commence par en extraire une partie liquide, l’ « oléine », partie la plus éclairante, dit-on, de la graisse animale, mais dont le départ seul a pu transformer la molle chandelle, coulant avec un déplorable laisser-aller, en une bougie sèche et solide. Un chimiste de Nancy, Braconnot, comprimant, vers 1818, de la graisse de mouton sous une petite presse, en retira un jus huileux ; Chevreul et Gay-Lussac trouvèrent ensuite le procédé convenable pour décomposer le suif en trois substances : oléine, stéarine et margarine. L’oléine est aujourd’hui employée au travail des laines et à la fabrication des savons ; la margarine, mêlée à des huiles étrangères et souvent à notre crème nationale, devient ce fâcheux « beurre de bœuf » que les lois ont peine à démasquer ; la stéarine enfin, coulée en moules, forme les bougies actuelles. La même marchandise sert ainsi, suivant le traitement qu’elle subit, à préparer les draps, à nettoyer, à nourrir et à éclairer, et la chandelle de nos aïeux se retrouve dans nos redingotes, sur nos toilettes, dans nos estomacs et dans nos flambeaux.

Les premières bougies stéariques parurent à l’exposition de 1834. Il avait fallu neuf années d’efforts pour que la théorie scientifique entrât dans le domaine efficace de la pratique. La combustion de ce petit rouleau blanc, qui paraît si simple, est