certaines heures, très active à d’autres. Les gazomètres servent à rétablir l’équilibre. Ces réservoirs consistent en une vaste calotte de tôle, plongeant dans un bassin plein d’eau. Ils sont élastiques ; à mesure que le gaz s’y introduit, par ces longs bras noirs qui les entourent et dominent les murs de l’usine, la cloche, dont le poids est exactement calculé pour n’opposer aucune résistance, se soulève et les tuyaux articulés la suivent dans son ascension. Lorsque le Parisien allume ses becs et que les récipiens se vident plus vite qu’ils ne s’emplissent, la cloche, par son propre poids, s’abaisse et s’enfonce plus profondément dans son bain. Grâce à cette mobilité, le gaz se fait à lui-même sa place et n’a jamais plus de place qu’il ne faut. S’il était trop au large dans sa cage, l’air entrerait, se mêlerait à lui et provoquerait des explosions. Quoique les gazomètres soient au nombre de 62 dans les sept usines, ces singuliers amphibies dont les plus gros pèsent 750 tonnes, ont 56 mètres de diamètre et nagent dans des cuvettes de 30 millions de litres d’eau, ne contiennent pas, à eux tous, la consommation d’une journée d’hiver.
Il n’existe donc pas de provision de gaz tout fait ; mais la compagnie possède une quantité de charbon suffisante pour alimenter ses cornues pendant plusieurs semaines. La période de rémission intense du gaz est celle qui précède le dîner, de cinq heures et demie à huit heures du soir, aux mois de court soleil. A partir de ce moment, la sortie se ralentit ; les cuisines s’éteignent, les magasins ferment aussi, plus tôt qu’autrefois. C’est un progrès pour la classe des employés de commerce, qui voit augmenter la durée de son loisir.
La compagnie a trouvé par ailleurs d’amples dédommagemens ; la matière éclairable est en effet susceptible de beaucoup d’extension. Sur les 83 000 maisons de Paris, 31 000 seulement sont jusqu’ici pourvues de gaz. Depuis trois ans, sans allonger beaucoup les canalisations sous les voies publiques, qui mesurent 2500 kilomètres, M. Godot, le très habile directeur du gaz, a su augmenter d’un quart le nombre de ses abonnés, dont l’effectif est aujourd’hui de 319 000. Ces nouveaux venus, pris isolément, ne sont pas de gros cliens ; mais, par leur masse, ils remplaceront aisément l’élite des consommateurs opulens que l’électricité a conquis.
Pour placer avec plus de succès sa marchandise, l’administration du gaz avait, depuis longtemps, l’habitude d’installer à ses frais des « conduites montantes » dans les escaliers des maisons de location. Elle payait une prime de 50 francs aux appareilleurs, pour le recrutement de tout abonné nouveau et faisait aux particuliers, qui s’adressaient directement à elle, la remise en argent