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fibres éclatantes que nous voyons dans les ampoules, se transporte de deux façons. Les câbles qu’elle parcourt peuvent être comparés, les uns à des tuyaux vastes, où l’eau s’écoule assez doucement, les autres à des tuyaux étroits où le liquide est chassé avec une force inouïe. Les uns et les autres ont leurs avantages suivant la distance à laquelle est située l’usine. Les seconds remplacent par une pression — en langage technique une « tension » — énorme ce que les premiers tiennent de leur puissant débit, de leur « intensité ». Ces deux sortes de courans ne sont pas fabriqués de la même façon par les dynamos : les courans faibles sont continus, leur pression est toujours la même ; les courans violens sont alternatifs, la pression cesse 42 fois par seconde et, autant de fois, la lampe s’éteint, théoriquement ; mais nos yeux ne perçoivent pas ce phénomène ultra-rapide, parce que l’incandescence acquise ne cesse pas. Au public ces divers modes de production importent peu ; d’autant que les courans trop vigoureux, qui feraient sauter les lampes et ne pourraient être introduits sans danger dans les habitations, sont transformés et réduits au vingt-septième de leur pression originelle — 110 volts au lieu de 3 000 — avant d’être livrés au consommateur.

Quoique la science électrique ait marché à pas de géant dans cette seconde moitié du siècle, quoique ce soit un spectacle assurément émouvant que celui de ces salles de grandeur médiocre, où l’on n’aperçoit que des moteurs tout communs, faisant tourner des rouleaux énigmatiques qui, de rien, tirent la clarté, de nouveaux progrès sont nécessaires encore à cette industrie pour qu’elle arrive à son développement normal. L’enfantement, viable, d’un seul de ces progrès, qu’elle porte en germe dans son sein, suffira pour amener aussitôt des modifications profondes : jusqu’ici l’on ne parvient à retrouver, en éclairage, que un pour cent de celui sur lequel on aurait le droit de compter. On sait que les autres 99 pour cent se perdent, et comment et à quel moment ; mais on ne peut pas les empêcher de se perdre.

D’abord c’est la machine à vapeur, qui gaspille les neuf dixièmes de l’énergie mécanique enfermée dans la houille ; infirmité commune à toutes les machines aujourd’hui en usage. Sur ces 10 pour 100 qui restent, on éprouve encore un déchet d’un dixième, par la transformation en puissance électrique de la force mécanique, recueillie sur l’arbre du moteur ; un second dixième s’évapore dans les canalisations. Des huit dixièmes enfin, qui parviennent jusqu’à la lampe, plus de sept disparaissent en chaleur et il ne reste pas un centième utilisé sous forme de lumière. Dans les lampes à incandescence, la quantité d’électricité