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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/871

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l’Armurier, la Réforme venant plonger dans de nouvelles luttes la chrétienté du Nord. De ces grandioses contrastes entre des civilisations opposées qui se disputent la suprématie, de ces chocs de mondes dont l’un vient remplacer l’autre qui s’en va, M. Rydberg a su tirer des effets saisissans. Mais, œuvres de poète et de philosophe, ces monumens magnifiques de la prose suédoise n’ont du roman que la forme[1].

Le comte Snoïlsky est le poète des sentimens généreux, des fiers enthousiasmes. De sa poésie se dégage un souffle à la fois patriotique et humanitaire. Dans ses vers si admirablement ciselés, les pensées élevées et nobles étincellent comme des gemmes. Son sentiment profond de la nature, empreint d’un certain sensualisme, et la réalité naturaliste de ses images contrastent avec le caractère spiritualiste de sa pensée. Ce contraste est même un des grands charmes de sa poésie, souvent très originale et toujours très distinguée.

M. C.-D. af Wirsén, lui, est le champion de l’idéalisme. Poète plein d’élégance et de noblesse, critique autorisé, il manie notre langue en digne secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise.

A côté de ces poètes éminens, on peut citer encore, au premier rang des poètes suédois, deux souverains du pays. M. Imbert de Saint-Amand a consacré jadis ici même[2] aux œuvres poétiques de Charles XV une intéressante étude où nous nous contenterons de renvoyer le lecteur. En 1858, l’Académie de Stockholm accordait un second prix à un poème anonyme : Souvenirs de la marine suédoise. L’étonnement fut grand lorsque, à l’ouverture publique du pli cacheté qui accompagnait le manuscrit couronné, on s’aperçut que l’auteur était le jeune duc d’Ostrogothie, le deuxième fils du roi Oscar Ier, le roi actuel Oscar II. Le jeune poète d’alors a réalisé depuis, sous le nom d’Oscar-Frédéric, les promesses contenues dans ce premier essai ; ses œuvres complètes ont été publiées dans deux éditions différentes.

Parmi ces diverses manifestations de l’activité littéraire, le roman seul semblait, à l’époque dont nous parlons, subir un arrêt complet. Hedberg, Jolin, écrivaient pour le théâtre ; Eichorn, Flodman, Gœdecke, Sohlman, Beckström, remplissaient les journaux de brillans articles ; mais aucun d’eux ne parvenait

  1. M. Victor Rydberg était encore à Stockholm au mois de septembre dernier. Sa mort a été considérée, dans toute la Suède, comme un sujet de deuil national. C’est dire la place qu’il s’était faite dans la littérature de son pays, la popularité de ses écrits.
  2. Voyez la Revue du 15 mai 1864.