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monde à part ; ils ne resteront plus indifférens aux guerres et aux grandes révolutions qui se déroulent au-dessous d’eux ; déjà ils ont annexé, en premier lieu, l’immense pays des Gallas et le Harrar et, en dernier lieu, l’Aoussa ; ils ont aussi établi, dans les contrées relativement basses et planes, des colonies militaires rappelant celles des confins militaires de l’Autriche et les Voiskos cosaques de la Russie ; ils continueront à s’agrandir, et se rapprocheront de plus en plus de la Mer-Rouge et du golfe d’Aden. Anciennement, il ne faut pas l’oublier, les Abyssins ont franchi la Mer-Rouge, possédé une fraction de l’Arabie et poussé jusque sur les côtes occidentales de l’Inde, où ils ont fondé des États, comme les Normands dans le nord-ouest de la France et la basse Italie. Leurs descendans se sont fondus avec la population indoue, mais on retrouve les traces de leur domination. A présent, sans songer à reproduire de pareils exploits, les Abyssins peuvent cependant rétablir des communications suivies avec le monde chrétien, à l’instar d : autrefois, avant que la conquête de l’Egypte et de la Syrie par les musulmans ne les ait coupés de l’Europe. Et peut-être verra-t-on, un jour, l’empire d’Ethiopie retrouver partie de ses frontières historiques ainsi que le littoral dont il a besoin pour entrer en contact direct avec les peuples amis et vivre de la vie des États modernes.

Au moment où ces lignes vont paraître, on parle du rétablissement de la paix entre Ménélik et l’Italie. Traiter de cette question, n’est point de notre ressort. Seulement, pour le cas où les hostilités reprendraient plus tard, et en nous maintenant sur le terrain militaire, nous dirons avec M. Macola, le député de Venise qui a bravement payé de sa personne en Ethiopie : « Les Abyssins… très forts aujourd’hui, le seront beaucoup plus demain »[1] et, finalement, nous ajouterons avec le général Ellena, revenant blessé d’Adoua et débarquant à Naples : « Il n’y a point d’armée qui, en condition d’infériorité numérique, puisse vaincre les Abyssins dans l’offensive sur leur propre territoire[2]. »


ALBERT HANS.

  1. Interview, Messaggero, Rome, 27 mars 1896.
  2. Interview, Don Marzio, mars 1896.