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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/924

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ouvrier ; cette fois, il a mis dans l’expression du Christ toute son âme, comme il a mis tout son talent dans la facture, avec la même simplicité mâle et tendre. La douleur est aussi profonde, noble et contenue, dans cette tête béante, aux yeux clos, que la majesté est douce dans ce beau corps affaissé. Nous voulions un exemple de grand style, en voici un, nous pouvons nous y tenir. Nous n’en trouverons point d’autre de cette valeur dans aucune œuvre religieuse ou historique.

La Bible, l’Evangile, la Légende Dorée, ne semblent plus guère exalter nos peintres, ou, s’ils feuillettent ces grands livres d’un doigt léger, c’est pour y trouver prétexte à des saynètes mondaines plus qu’à des scènes édifiantes ou touchantes. On a quelque peine à retrouver le caractère simple et grave de la Vierge Mère dans la plupart des fillettes grêles et vaporeuses, sentimentales et minaudières, qui se présentent, en foule, sous ce nom. Le Christ et la Madeleine, par M. Berges, n’est qu’un joli tableau de genre, et nous lui préférons son Martyre de saint Léon, avec ses fonds chauds de murailles ardentes ; M. Berges possède une palette assez riche, et ce peut être un peintre. Le Saint Patrice convertissant deux nobles Irlandaises par M. Etcheverry, l’Épave sainte de M. Fauret, le Saint Georges de M. Henri Gain, la Prédication de saint Maximin par M. Girardot, font preuve, aux points de vue pittoresque ou expressif, d’une habileté intéressante. Toutes ces figures sont de moyenne ou petite grandeur et enveloppées par le paysage. Mme Demont-Breton, presque seule, dans son Ismaël, a donné à ses deux personnages l’importance d’études académiques, et montré, une fois de plus, son talent ferme et résolu, L’Arène, avec ses martyrs entassés, par M. Laubadère et l’Annonciation aux Bergers par M. Henry Perrault, sont de grandes compositions scolaires, où les bons morceaux, fortement brossés ou savamment dessinés, disparaissent encore dans l’incertitude de l’ensemble.

L’histoire profane, même l’histoire nationale, n’inspire guère non plus nos peintres peu liseurs en dehors de M. Tattegrain. La vaste toile, commandée à M. Henry Lévy pour l’Hôtel de Ville de Dijon, la Bourgogne, est menée avec cette souplesse de pinceau et cet agrément d’esprit dont ce décorateur distingué a donné des preuves à Saint-Merry et au Panthéon. La composition groupe autour du trône de la Bourgogne un choix de ses illustres enfans, depuis saint Bernard et Philippe le Bon jusqu’à Rude et Carnot. La société est nombreuse, elle pouvait l’être plus encore, car la Bourgogne est une mère féconde et robuste, et ses enfans, de tous temps, ont compté parmi les hommes les plus mâles et