Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/936

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des virtuoses du pinceau, fort nombreux au Champ-de-Mars, que les élèves même de Meissonier, MM. Charles Meissonier, Lucien Gros, Moutte, par exemple, plus soucieux que par le passé de l’enveloppe colorante et de l’agrément coloré. Le Poste de l’équipage à bord du « Magnhild », par M. Charles Meissonier, est un excellent morceau de peinture, où l’on ne trouve plus trace des anciennes duretés. Les idylles bretonnes de M. Lucien Gros, notamment le Cidre nouveau et la Barrière, les études de M. Moutte, témoignent d’un effort réfléchi et heureux dans le même sens. Quant à M. Steinheil, l’archéologue, historien exact et peintre habile, c’est aux Champs-Elysées, où il est rentré, qu’on peut juger son talent savant et sûr dans le Vénitien et les Trois avis.

Pour la ferme et vive manœuvre du pinceau, pour l’intensité et la pénétration de vues qu’ils apportent dans l’observation même des choses familières, les étrangers sont toujours bons à consulter dans les deux endroits. Nous avons déjà parlé des Belges, MM. Struys et Luyten. Nous aurions pu y joindre M. Léon Frédéric, dont les études, âpres et rudes, ont toujours d’admirables naïvetés et M. Leempoels qui demande aussi conseil aux honnêtes primitifs. Qu’on regarde certains Anglais, M. Joy avec son intérieur d’Omnibus de Bayswater, rempli de voyageurs si britanniques, M. Lorimer, avec son Mariage de convenance, quelques [Espagnols, notamment les vives esquisses de M. Sorolla y Bastida (le meilleur Berceau ; la Bénédiction de la Barque), quelques Allemands, déjà connus, mais toujours intéressans, MM. (Liebermann (la Fin de la Journée) et Kuehl (Vieille Boucherie à Lubeck), on reconnaîtra que, si la plupart d’entre eux ont fait leur éducation à Paris et profité de nos enseignemens, ils ne tardent point à nous rapporter, en échange, de chez eux, un regain de santé et de vitalité qui peut aussi nous être utile.

Dans la plupart de toutes ces représentations de la vie moderne, le paysage tient une grande place, et les artistes qui peuvent prendre leurs coudées franches, les exposans du Champ-de-Mars, ne manquent pas de joindre à leurs études d’atelier leurs études en plein air. Beaucoup de spécialistes s’en tiennent encore, cependant, au paysage désert ou peu peuplé, soit exact, soit poétisé et, parmi eux, se rencontrent des maîtres et des apprentis d’un grand talent. Le magnifique panneau, la Loire, dans lequel M. Harpignies, avec une maturité paisible et fière, semble avoir résumé, dans un style à la fois ferme et nuancé, toute la science acquise durant une laborieuse et heureuse carrière, a pu légitimement disputer la médaille d’honneur aux belles œuvres de MM. Henner et Benjamin-Constant. Le Val de Lavardin, par M. Busson où