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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/954

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de l’occasion pour dire qu’il n’aurait jamais commis une pareille faute : on ne peut, il est vrai, le juger que sur celles qu’il a commises, mais il y en a assez pour croire qu’il aurait pu commettre même celle-là, si c’en est une. M. Faberot en a profité à son tour pour déclarer, dans une interruption, qu’il n’y avait pas de sang royal, ce qui a fait rire tout le monde. M. Rambaud, ministre des cultes, a indiqué à la Chambre les raisons sérieuses qui l’avaient déterminé à proposer le choix de Mgr Mathieu comme archevêque. Enfin, et là surtout a été l’intérêt de la séance, M. Méline, président du Conseil, entraîné par les développemens que prenait le débat, a exposé en quelques mots précis et énergiques la politique du gouvernement. On l’accusait d’être le prisonnier de la droite cléricale et monarchique. « J’ai planté, a-t-il répondu, mon drapeau au milieu de cette Chambre ; j’accepte tous les concours de bonne volonté pour m’aider à le maintenir. »

Cette déclaration, faite avec un accent d’honnêteté et de courage auquel les Chambres sont toujours sensibles, a produit une très vive impression. Il y avait longtemps qu’un ministère n’avait tenu un pareil langage. Tous avaient plus ou moins dit qu’ils faisaient une politique d’idées et de principes et non pas une politique de personnes et de groupes ; mais tous, en réalité, s’étaient particulièrement préoccupés des groupes et des personnes à rallier ou à repousser, et encore plus à repousser qu’à rallier. Ils avaient cherché à donner satisfaction à telle fraction parlementaire plutôt qu’à une autre, ou même spécialement à l’exclusion de cette autre. M. Méline n’exclut de sa majorité que ceux qui s’en excluent eux-mêmes. Il a un programme et il s’y tient, sans se croire obligé de le défendre par des excommunications individuelles. L’accepte qui veut. M. Méline ne fait de marchandage avec qui que ce soit ; on n’a pas essayé de lui imposer des conditions, et si on l’essayait, il ne les accepterait pas ; il est et il restera ce qu’il est, un républicain ferme et modéré, fidèle exécuteur de toutes les lois, réformateur dans une mesure qu’il croit sage et prudente et qui, en tout cas, est nettement déterminée, point clérical, mais respectueux de l’idée religieuse et de la liberté de conscience : tel qu’il est, tel qu’il se montre, il a demandé à la Chambre de lui donner sa confiance, et la Chambre la lui a donnée.

Elle l’a fait à deux reprises différentes, une première fois sur l’interpellation de M. Rivet relative à l’incident de l’archevêque de Toulouse, une seconde fois sur l’interpellation de M. Jaurès relative au mouvement préfectoral. Car il a bien fallu, en fin de compte, que cette interpellation se produisit au grand jour d’un débat public. À vrai dire, venant après celle de M. Rivet elle était moins dangereuse encore qu’auparavant. Toutes les fois que l’opposition réussit à donner à une affaire une couleur anticléricale, la majorité du gouvernement tombe à son étiage inférieur. Bien que les passions d’autrefois se soient, comme on a pu