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prisonnier de personne, que la droite ne lui avait rien demandé, qu’il ne lui avait rien promis, et qu’elle restait libre de voter suivant le sentiment et la conscience qu’elle avait des véritables intérêts du pays. Et ces paroles ont été couvertes d’applaudissemens. Et le ministère, comme nous l’avons dit, a eu une majorité de 80 voix. Il faut avouer que M. Isambert avait bien quelques excuses, et que, s’il ne reconnaissait pas la Chambre, c’est que celle-ci n’est plus tout à fait la même qu’il y a trois mois. Que faut-il en conclure, sinon que les socialistes ont effrayé la Chambre aussi bien que le pays, et qu’elle juge suffisante l’expérience qui vient d’être faite d’un gouvernement vivant sous leur patronage. Elle ne montre aucun désir de la recommencer. Elle n’a pas osé renverser le ministère Bourgeois, et il a fallu que le Sénat vint à son aide et prît pour lui toute la responsabilité. Mais maintenant elle fait, et elle continuera sans doute de faire tout son possible pour échapper à une seconde épreuve. La première a coûté assez cher.

Et puis, la Chambre tient à discuter le projet de loi sur les quatre contributions directes qui lui a été présenté par M. le ministre des finances. Peut-être n’en est-elle pas très enthousiaste ; mais lorsqu’elle le compare au projet d’impôt sur le revenu que M. Doumer lui avait soumis, elle n’hésite pas à lui donner la préférence. Il est probable que M. Cochery bénéficiera de ces dispositions. Sur bien des points les craintes inspirées par l’ancien ministère rendent l’œuvre de celui-ci plus facile. À force de répéter que notre système fiscal est plein d’imperfections et qu’il faut absolument faire quelque chose pour les corriger, — on ne sait pas très bien quoi, mais on est sûr qu’il faut faire quelque chose, — on a fini par le faire croire au pays, bien plus peut-être qu’on ne le croit soi-même. Rien n’a été plus imprudent que cette campagne contre nos contributions directes, et surtout contre deux d’entre elles, l’impôt des portes et fenêtres et l’impôt personnel mobilier. On a donné à l’impôt des portes et fenêtres une si mauvaise réputation qu’on se trouve aujourd’hui obligé de le supprimer. Pourquoi ? Parce qu’on a dit qu’il était un impôt sur l’air et sur la lumière : il a suffi d’un mot, et de ce qu’on peut appeler un mot d’auteur, pour condamner une taxe qui reposait sur un des signes les plus certains et les plus évidens de la fortune. On remplacera ces signes par d’autres, qui ne vaudront pas mieux : amour du changement beaucoup plus que des réformes véritables. N’est-ce pas encore l’amour du changement et aussi de l’imitation, mais d’une imitation imparfaite, qui nous porte à distribuer nos impôts en diverses cédules, sous prétexte d’atteindre toutes les sources du revenu, ou du moins des revenus du capital, car les revenus du travail restent exempts ? Mais l’impôt personnel-mobilier disparaît-il comme l’impôt des portes et des fenêtres ? Non, il change seulement de nom, il s’appellera l’impôt de la cédule supplémentaire, il reposera sur de nouveaux signes exté-