position libérale, il a fini par refuser de répondre. À supposer qu’il sache exactement ce qu’il veut faire, bien qu’il ne veuille pas encore le dire, il s’est au moins trompé sur la légitimité de quelques-uns des moyens qu’il a employés : le jugement du tribunal du Caire en est la preuve. On sait, au surplus, que rien n’est sérieusement commencé au point de vue de l’expédition militaire : la saison s’y oppose, et elle s’y opposera jusqu’à l’automne. En attendant, qu’a fait l’Angleterre ? Elle a fait occuper Souakim par des troupes venues de l’Inde, en remplacement de la garnison égyptienne qui a reçu l’ordre de se replier sur le Nil. On assure qu’un tel acte a froissé à Constantinople des susceptibilités très naturelles. Souakim n’appartient pas au khédive au même titre que le Caire, et l’autorité du sultan s’y exerce d’une manière plus directe. Il y a eu de la part de l’Angleterre quelque chose de brutal dans l’occupation qu’elle en a faite. Quel est son dessein ? Veut-elle établir à Souakim un des points de départ et une des bases de ses opérations futures ? Cela est possible, et expliquerait l’espèce d’entorse qu’elle a donnée au droit des gens. Mais ici on se demande encore avec quel argent seront payées les troupes indiennes en garnison à Souakim. Sera-ce avec les ressources du budget indien ? Le gouvernement de l’Inde proteste contre ce nouvel accaparement, le moins justifiable de tous, car s’il est difficile d’admettre que les créanciers de l’Egypte paient une expédition dont un des objets principaux est de secourir les Italiens, il l’est encore bien plus de faire entendre aux Indiens qu’ils doivent concourir à cette même œuvre, non pas seulement de leur sang, mais encore de leurs deniers. Et quand même il s’agirait de l’Égypte et non pas de l’Italie, ce ne serait pas au budget de l’Inde à supporter les frais de l’expédition. On le voit, les diverses initiatives prises par le gouvernement de la Reine avec une réflexion peut-être insuffisante soulèvent un grand nombre de questions délicates. L’opinion, même en Angleterre, commence à s’en émouvoir, et on n’est encore qu’au début. On a des difficultés avec l’Italie ; on en aura avec d’autres puissances ; elles ne se dénoueront heureusement que si tout le monde y met du sien. Le défaut capital de la politique anglaise est de vouloir se cacher, ruser, biaiser, même avec l’opinion du pays, même avec la majorité du parlement, alors que l’écheveau, si embrouillé aujourd’hui, des affaires de l’Egypte et du Soudan, ne pourra se démêler qu’avec le concours sincère et loyal de toute l’Europe.