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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/25

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afin de travailler même plus efficacement à cette œuvre de concorde, de n’y pas mêler la recherche d’un succès personnel. N’étant partie principale intéressée dans aucun débat, elle n’aurait pas eu non plus à se faire l’avocat chaleureux d’aucune cause. C’était un rôle un peu effacé assurément, mais dont le calme, au milieu de passions surexcitées, aurait gardé un caractère d’originalité assez digne : en tout cas, c’était le moyen de ne se compromettre par aucun engagement et, en ne témoignant aucune prédilection, de ne donner prise à aucun ressentiment.

Le nouveau plénipotentiaire français pensa sans doute que, renfermée dans ces limites, son action serait exercée avec plus de prudence que d’éclat, et c’est ce qu’il laissa voir dans l’exposé qu’il fit de ses intentions, à la tribune du parlement, avant même d’aller prendre séance à Berlin. Il y annonçait clairement le dessein de prendre une initiative personnelle pour étendre sur un point et restreindre sur un autre la compétence de l’aréopage européen. Aux populations chrétiennes, dont la Russie prenait les revendications sous son patronage, il demanda à joindre une autre race, également digne, suivant lui, de l’intérêt de la France, dont il se proposait de faire entendre la voix au Congrès : et la définition qu’il en donnait fit reconnaître clairement la nation grecque, qui, n’ayant pas été mêlée à la guerre, ne semblait pas jusque-là devoir être comprise dans le règlement de la paix. De plus, il déclara formellement qu’avant de répondre à l’appel qui lui avait été adressé, il s’était assuré que le Congrès laisserait en dehors de ses discussions tout ce qui pourrait regarder une contrée où la France exerçait et entendait conserver, à l’exclusion du reste de l’Europe, une influence privilégiée et prépondérante ; c’était l’Egypte, que cette fois il appelait par son nom. Ainsi deux conditions étaient mises d’avance, l’une active et l’autre négative, à la participation de la France dans les débats du Congrès. L’événement prouva que sur l’un comme sur l’autre point le choix n’était pas heureux, et que c’étaient peut-être les deux partis contraires qu’il aurait mieux valu prendre[1].

De l’appui prêté par la France aux prétentions de la Grèce, le résultat fut si médiocre que le mieux peut-être serait de n’en pas faire souvenir. Aussi bien, qui se rappelle aujourd’hui que le Congrès ayant, sur l’insistance de la France (appuyée par l’Angleterre), promis à ce jeune royaume une extension de territoire à laquelle la Porte se refusa absolument à adhérer, on vit le moment où, pour faire respecter cette décision, il faudrait la soutenir par la force ? On parla d’une démonstration navale à promener

  1. Chambre des députés, séance du 7 juin 1878.