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à Paris. Mais tenter par un siège régulier ou par une brusque offensive l’entrée de la capitale c’était choisir le mode de combat qui, dans le corps à corps de l’assaut, mettait l’agresseur aux prises non seulement avec nos forces régulières mais avec toute la population ; c’était, le rempart fût-il conquis, exposer le vainqueur à l’atroce guerre des rues, où se trouvent si réduites les supériorités de discipline et de science, où à l’abri des barricades et des maisons, les plus mal armés déciment presque sans péril les troupes les plus manœuvrières et les plus vaillantes ; c’était tenter une témérité qui, si elle échouait, devenait un désastre. Il était donc à prévoir que l’ennemi, maître de son choix, préférerait payer moins cher des résultats plus sûrs, établirait ses approches de façon à couper les communications entre la ville et le reste de la France, et laisserait, bien fortifié et immobile, la faim combattre et vaincre pour lui. Il pouvait appeler d’Allemagne plus de soldats que Paris ne pouvait lui opposer de recrues. Et quand à Metz l’élite de nos troupes, à peu près égale en nombre aux ennemis, ne parvenait pas à rompre le blocus, on n’avait pas droit d’espérer qu’à Paris nos forces improvisées perçassent les lignes d’investissement, Paris ne suffirait donc pas à délivrer la France. Pour être délivré lui-même, Paris, comme Metz, aurait besoin d’un secours extérieur.

C’est la France qui devait sauver Paris et elle-même. C’est à la province, plus abondante en hommes et moins étroitement serrée par l’ennemi, qu’appartenait, dans cette période nouvelle de la lutte, l’action principale, décisive. Le siège de Paris, comme celui de Metz, était une digue qui retenait pour un temps l’invasion. Ce temps était un délai de grâce accordé au reste du pays pour se lever, s’armer, s’aguerrir, et secourir à son tour les villes qui, par leur résistance, lui auraient permis d’assembler ses forces. Le siège se prolongerait-il assez pour qu’avant sa fin la France fût prête ? Là était tout le problème de la guerre.

A Paris donc il ne s’agissait pas tant de vaincre que de durer. Pour durer il y avait deux moyens : accroître les approvisionnemens, et réduire le nombre de ceux qui les consommeraient. Dans les derniers jours de l’empire le gouvernement avait fait entrer dans Paris pour deux mois de vivres. On s’était aussi inquiété de diriger sur la province les non-combattans de Paris. Restait à compléter en quatorze jours ces premières mesures, à peine ébauchées en un mois, à se procurer et à introduire dans Paris tout ce qu’on y pourrait amasser de grains, de viandes, de légumes, de bestiaux et de fourrages, à défendre ces vivres contre l’accaparement et le gaspillage. Les portes devaient s’ouvrir toutes grandes à cette richesse, il fallait les fermer à