malgré leur minorité dans le parti, les plus prêts à défendre par toutes armes le nouveau régime contre la réaction si elle tentait un retour offensif, et ils seraient les plus redoutables pour le gouvernement lui-même s’ils se tournaient contre lui. Gambetta, acceptant toutes ces conséquences qui s’engendraient l’une l’autre, crut nécessaire de réserver tout le pouvoir aux républicains ; d’y ouvrir accès aux républicains de toutes les écoles ; et de faire une part de faveur aux républicains les plus violens.
Aussitôt il passa à l’exécution en choisissant les maires de Paris et les préfets. Les premiers allaient être, dans la capitale, les seconds dans la France entière, les intermédiaires officiels entre le gouvernement et la population. C’est à Paris surtout que le ministre de l’intérieur avait hâte de donner par ses choix l’élan démocratique et de contenir par des concessions le parti révolutionnaire. Dès la nuit du 4 septembre, il convînt avec Etienne Arago de remplacer les vingt maires donnés par l’empire aux arrondissemens de Paris. L’accord consista surtout en ceci, que Gambetta choisit ses candidats, et qu’Arago en dressa la liste. Elle portait, par ordre d’arrondissement, « les citoyens » Tenaille-Saligny. Tirard, Bonvalet, Greppo, Bocquet, Hérisson, Ribeaucourt, Carnot, Ranc, Turpin, Léonce Ribert, Grivot, Pernolet, Leneveu, Corbon, Henri-Martin, F. Favre, Clemenceau, Richard, Braleret. Tous étaient républicains et de toutes les sortes. Tenaille-Saligny, Tirard, Carnot, Pernolet, Henri-Martin, adversaires déclarés de la monarchie, étaient partisans d’une démocratie libérale, parlementaire et bourgeoise. Les socialistes y obtenaient place avec Corbon et Greppo, anciens représentans du peuple. Le parti jacobin y trouvait des chefs avec Clemenceau, Ranc, Braleret. Modérés et révolutionnaires s’y équilibraient par le nombre ; à un moment où Paris était en masse opposé aux opinions extrêmes, c’était une première faveur faite aux violens. De plus les modérés avaient été désignés pour leur poste par leur réputation, au moins par une notoriété de quartier ; les autres n’étaient connus que dans le monde obscur des sociétés secrètes. Enfin modérés et révolutionnaires, malgré leurs dissidences, avaient entre eux un lien : presque tous affiliés à la franc-maçonnerie, ils représentaient tous, avec les variétés de leurs caractères, la même indépendance hostile à l’égard des croyances religieuses, et plusieurs d’entre eux n’avaient d’autre titre républicain que l’ardeur de leurs animosités contre le catholicisme, ses pratiques et ses prêtres. Le seul égard qu’on eût eu pour les sentimens de Paris avait été d’assigner les maires les plus modérés aux quartiers les plus conservateurs : mais, les maires étaient plus